Elle soupire à nouveau, plus fort.

Son mâle, le Pr. Troglodys, lève les yeux de l’invention qu’il bricole sur la table et lui jette un coup d’œil rapide. Mais il se replonge aussitôt dans son travail. Le soupir suivant n’ayant pas plus d’effet auprès de lui, Miss Glodyn se décide à entamer la conversation.

Le professeur marmonne distraitement en retour.

Le professeur opine du chef, sans vraiment réaliser ce que sa femelle vient de dire. La guenon se lève d’un bond, tout excitée. Elle arrache de la main de son mâle des feuilles de plan et gribouille dessus, tout en sortant de la pièce.

Ce n’est que quand la porte se referme sur elle que Troglodys réalise ce qui vient se passer. Stupéfait, il ouvre la bouche en grand et en laisse tomber son tournevis.

Plusieurs animaux, bruyants et excités, sont massés autour de l’entrée de la boîte de nuit. Brouhaha ( SFX ). Parmi eux, on reconnaît Struthia et Naja.

Normal, c’est le premier film qu’on tourne au zoo !
( sur le ton de la confidence : ) D’après mes sources, c’est une comédie musicale.

Gigi double la file d’attente, sans un mot, ni un regard d’excuses.

Je n’ai pas besoin de faire la queue, moi. Je travaille ici, moi. En plus, tu perds ton temps : c’est moi qui vais avoir le rôle, alors tu ferais mieux de rentrer chez toi faire le ménage.

Struthia, mécontente, attrape la girafe par la queue avec son bec, l’empêchant d’avancer.

Arc-bouté contre la porte, Macro a bien du mal à faire respecter l’ordre. La foule des animaux essaie d’entrer. Bousculades et brouhahas ( SFX ).

Thalar glisse alors une patte dans l’entrebâillement et se faufile prestement à l’intérieur. Le videur parvient enfin à refermer la porte en pesant de tout son poids dessus, au nez de Gigi qui vient juste de se libérer. Il pousse un soupir de soulagement ( SFX ).

Thalar rejoint Léon qui est derrière le bar, essuyant des verres d’un air rêveur.

D’un vague geste de la main, le lion lui indique le fond de la salle. Alca discute en effet près de la scène avec Miss Glodyn.

Thalar déplie son journal.

On découvre, près de la scène, que la chaise du metteur en scène est occupée par… Sir Felis Tigris. Léon tressaille et grimace.

Malicieux, Thalar lui montre alors la Une de la gazette de Naja. Il y a une photo de Léon dans une posture peu digne : visiblement, il est en train de supplier la chimpanzé pour le job. Le lion hausse les épaules, d’un air parfaitement détaché. Mais soudain, il n’y tient plus et froisse rageusement le journal en boule avant de faire un sourire de faux-cul à son ami.

Près de la scène, Croc installe avec empressement deux chaises supplémentaires aux côtés de Sir Felis Tigris. Buko est perché sur son épaule. Miss Glodyn prend place près du réalisateur. Tout heureux, le crocodile s’assoit dans la dernière chaise libre.

L’oiseau lui répond " oui " d’un signe de tête.

Succession de courtes séquences de casting. Face caméra ( point de vue subjectif de la caméra qui filme les essais ), comme filmé par une caméra vidéo, le " tout zoo " défile sur la scène de la boîte de nuit.

Alca se lance dans une courte tirade. Il joue vraiment comme un pied, à grand renfort de gestes inutiles.

Suivant !

Le visage d’Alca trahit sa déception. Cut.

C’est au tour d’Orny. Il a l’air indécis sur la conduite à tenir. Il finit par se lancer.

Suivant !

Cut.

Alca !  Tu nous fais perdre du temps ! Suivant !

Cut.

Oui, vous êtes Ko…

Non, tu ne le sais pas. Tu as vu ma photo dans les journaux ? ( persuasif, s’avançant encore ) : Non, tu ne l’as pas vu !

Engagé !

Cut.

Croc, Tigris et Miss Glodyn ont leurs mains sur les oreilles. En face, Kanga chante a capella comme une casserole.

Non, attendez, je peux faire autre chose. Laissez-moi une minute que je trouve quoi. Euh…

Elle réfléchit, concentrée, la main sur le menton. Nerveuse, elle frappe le sol avec ses longues pattes. Gros plan sur les pieds qui tapent presque en rythme.

Sir Felis Tigris s’illumine en voyant ça.

Cut.

Woki se tient bêtement debout.

Cut.

Lupus et Thalar portent des lunettes et des vestes noires.

Tu ne nous as pas reconnus ? On est les " mâles in black " !

Cut.

Croc entre sur scène, à la grande stupéfaction du vrai Croc toujours assis sur sa chaise.

Alca ! Par pitié ! Qui croyez-vous tromper avec ce déguisement ridicule ?

Bruit de fermeture éclair ( SFX ). Alca s’extirpe de son costume.

Engagé ! Vous organiserez le tournage.

Cut.

La dernière candidate à se présenter est Gigi. Mais le cadreur a du mal à la faire tenir dans le champ. On ne voit que son cou ou sa tête très loin en contre plongée.

Vue subjective toujours. La caméra recule petit à petit. On voit seulement à chaque fois un peu plus du cou de la girafe.

Soudain, à force de reculer, la caméra bascule et tombe à la renverse. Grand bruit ( SFX ). Neige à l’écran, puis noir.

Cut.

Gigi s’éloigne de la scène très dépitée, mais la tête haute.

Je te parie même deux steaks que Miss Glodyn n’arrivera jamais à le commencer.

Gros plan : clap du premier jour de tournage ( claquement sec, SFX ).

On découvre un plateau installé ( sommairement avec du matériel, des caisses, des faux réverbères et une fontaine ) à la fin d’une allée bordée d’arbres qui se termine contre un mur du zoo.

Mise au point sur le premier plan : Léon, qui a perdu son pari, tend à Thalar deux steaks, et tourne les talons. Thalar, curieux, reste sur place.

Fondu. Le plateau se prépare. Des projecteurs ont été installés en rond autour du plateau qui est censé reconstituer une place de ville. Alca crie une série d’ordres dans son porte-voix à deux animaux qui portent un réverbère.

Enervés ; ils finissent par le déposer au milieu de la place. Croc pousse un portant plein de costumes hors du plateau.

Puis gros plan : Alca s’adresse à l’actrice, Kanga, avec son porte-voix.

Plan sur Kanga, la tête complètement ébouriffée.

Plan large : le pingouin n’est en fait qu’à quelques centimètres seulement d’elle. Il se tourne vers Komo qui est à côté d’elle avec le porte-voix pour lui parler de la même manière, mais le varan fait un geste menaçant et dissuasif dans sa direction. Alca cache de suite le porte-voix derrière son dos.

Cut.

Sir Felis Tigris est confortablement calé dans sa chaise de réalisateur. En face de lui, sur le plateau, Komo et Kanga attendent ses directives.

Comme dans une scène musicale ringarde, Komo et Kanga se mettent à tourner autour d’un réverbère.

On s’attend à ce que la kangourou lui réponde en chanson. Mais non, elle s’arrête de tourner et fait des… claquettes ( facile avec ses grands pieds ). Pris par sa fougue, elle percute brutalement son partenaire au grand désespoir de Tigris ( gros plan ) qui sort tout à coup du cadre ( par le bas ): sa chaise vient de s’effondrer ( choc, SFX ). Il s’époussette avec dignité.

Croc part sur les chapeaux de roues. Il revient aussi vite, mais un peu gêné. Plan serré : on ne voit pas ce qu’il ramène.

Visage sceptique du tigre.

Fondu.

A côté de Croc, Thalar regarde la scène qui est en train de se tourner avec amusement. Sur le plateau, on voit Miss Glodyn en petite jupe d’ingénue, le doigt dans la bouche. Komo tente de la séduire.

Retour sur Thalar qui a bien du mal à se retenir de pouffer ( SFX ).

Désolé, mais voir Tigris comme ça, c’est plus fort que moi !

La caméra glisse de Thalar au tigre qui a une tête plutôt renfrognée et pour cause : il est installé dans une chaise haute pour bébé humain.

Thalar éclate de rire ( SFX ).

Qui a ri alors que je donnais le meilleur de moi-même ? Et c’est quoi cette chaise ridicule ? Bon, puisque c’est ça, je vais dans ma loge.

La guenon quitte le plateau. Croc pousse Thalar, toujours hilare, vers la sortie, sous l’œil sévère de Tigris.

La nuit. Le plateau est désert. Enfin presque. On entend un bruit de scie, puis de perceuse ( SFX ).

Plans serrés rapides : Croc tape au marteau, visse, cloue, scie.

Croc range ses outils et frissonne. Il quitte le plateau, en jetant des petits coups d’œil effrayés partout et en laissant derrière lui son œuvre : une superbe et gigantesque façade d’immeuble en trompe l’œil.

Il ne voit pas l’ombre qui se glisse subrepticement sur le plateau.

Le lendemain matin, Alca et Tigris sont déjà sur place, perplexes devant les tas de bananes et de bouteilles d’eau qui encombrent le plateau, juste en bas du décor de l’immeuble. Kanga arrive sur le plateau.

Mais le tigre ne l’écoute pas. Stupéfait, il vient de voir Miss Glodyn qui s’approche. La guenon, lunettes de soleil et portable à la main, est entourée d’une petite cour : Struthia, qui a un air particulièrement pincé, et Macro, qui est visiblement devenu son garde du corps. La musaraigne-éléphant marche, l’œil aux aguets, les mains dressées, nerveuse, prête à repousser la foule et à faire un rempart de son corps. Sir Tigris n’en croit pas ses yeux, mais il ne fait aucune réflexion.

La star ne daigne pas répondre. Elle se détourne légèrement, hautaine.

Et pourquoi son altesse ne peut-elle pas me le dire directement ?

En tant qu’agent artistique de Miss Glodyn, c’est à moi de le faire. Ah, une dernière chose : nous exigeons un calme absolu sur le plateau. Plus d’ours perturbateur… et plus le moindre bruit, compris ?

C’est à ce moment là que le décor de Croc s’effondre avec fracas ( SFX ) à quelques mètres de la guenon qui reste tétanisée, couverte de bananes écrasées et d’eau.

Dans la boîte de nuit. Attablé avec Thalar, Croc semble bien triste.

Du coin de l’œil, le crocodile voit Léon débarquer dans la boîte et lancer un clin d’œil à Gigi en passant. La girafe fait de même en retour.

Mais, non, tu te fais des idées…

Tu as sans doute raison, Léon ne m’aurait pas joué un tour pareil. ( énergique : ) Demain, je vais surveiller le plateau discrètement et je verrai bien si quelqu’un de louche rôde autour.

Avant d’aller travailler, Miss Glodyn, lunettes noires et large chapeau à fleurs, reçoit Naja dans son salon. La journaliste enregistre l’interview avec un petit magnétophone posé sur la table.

Le professeur entre dans le salon avec une invention à la main ( un objet oblong comme un fuselage miniature ).

Voyant la journaliste, il fait demi-tour. Naja, vive comme l’éclair, le prend en photo ( clic, SFX ) juste avant qu’il ne sorte.

Les derniers visiteurs humains passent devant l’entrée de l’allée où est situé le plateau, sans prêter attention à la barrière de travaux qui en interdit l’accès. Derrière la barrière, l’allée semble vide. Le zoo ferme ses portes. La nuit tombe. Les réverbères s’allument.

Croc sort du vivarium. Surpris, il se rend compte que tous les animaux qu’il croise dans la rue se baladent avec des lunettes de soleil et un faux portable vissé à l’oreille, un air hautain accroché au visage, comme Miss Glodyn.

L’allée du plateau. Alca et Sir Felis Tigris passent derrière la barrière et se dirigent chacun vers un arbre, l’un à gauche et l’autre à droite de l’allée. Ils attrapent chacun la corde qui pend de leur arbre respectif, tirent dessus et la laissent filer entre leurs doigts comme quand on fait descendre un store. Et là surprise, un drap peint, tendu au milieu du chemin, et qui reproduit parfaitement en trompe l’œil l’allée déserte, s’affaisse alors peu à peu à terre, dévoilant en arrière plan la véritable allée, qui ressemble toujours, elle, à un plateau de cinéma. Les deux animaux enjambent le drap affaissé et rejoignent le plateau. On voit alors Croc ramper discrètement sous la toile peinte. Cut.

Sur le plateau, Sir Felis Tigris explique la scène à Miss Glodyn, Komo et Kanga.

Les acteurs approuvent gravement.

Cut.

Miss Glodyn patauge dans l’eau d’une grande cuve installée au milieu du plateau et simule la noyade. Un peu plus loin, Komo s’élance sur un tremplin. Il saute avec grâce et attrape une liane qui pend d’un arbre devant lui. Insert sur Tigris, ravi. Au moment où Komo veut changer de liane en plein vol pour faire comme Tarzan, tous les projecteurs s’éteignent brusquement, plongeant le plateau dans l’obscurité.

On entend le cri du Komo ( SFX ) , suivi d’un grand bruit ( SFX ).

Alca allume une lampe-torche. Le faisceau éclaire le varan qui est tombé à plat ventre sur le rebord de la cuve. A cause de son poids, la paroi de la cuve cède avec un gros craquement ( SFX ). L’eau s’écoule par la brèche, entraînant avec elle la guenon, et se répand sur le plateau, balayant tout sur son passage. Miss Glodyn se retrouve les quatre fers en l’air, son chapeau trempée lui tombant sur le visage, ses lunettes de travers, furieuse, dans un cageot de bananes. Devant ce spectacle désolant, Tigris ne peut s’empêcher de sourire.

Tigris, Alca et la guenon se précipitent. Dans le faisceau de la lampe de Macro, ils ont la surprise de découvrir Croc, tout penaud, qui tient encore à la main le boîtier électrique avec tous les interrupteurs qui commandent les projecteurs. Le boîtier dégage une fumée noire. Devant les regards accusateurs du quatuor, Croc secoue la tête.

Le crocodile repousse son assiette. Il n’a pas faim. Thalar s’en empare avidement.

Mais je n’y suis pour rien. Je me suis juste approché des projecteurs pour voir de plus près un truc bizarre qui clignotait. Et maintenant tout le monde pense que je suis coupable. Y compris mes amis.

Non, non, nous, on te croit. Tu sais qu’on est toujours là pour te soutenir.

Vous savez ce qu’on va faire ? On va tous se planquer sur le plateau cette nuit pour coincer le vrai coupable.

Thalar et Buko échangent un regard rapide. Thalar se lève, Buko s’envole : les deux compères filent vers la sortie au pas de course.

Pas rassuré, Croc grimpe à un arbre pour surveiller le plateau. Il s’emmitoufle dans une couverture et finit par s’endormir. Il est réveillé par des bruits ( SFX ): en bas, une vague silhouette vêtue d’amples habits noirs trafique les caméras.

L’intrus s’enfuit. Croc saute de l’arbre, mais s’emmêle les pattes dans les câbles. Quand il se relève, le saboteur a pris de l’avance. Mais il entend encore ses pas précipités ( SFX ) qui s’éloignent. Apercevant le portant débordant de cintres avec les costumes du film, il a alors une idée.

Une allée déserte. Plan fixe : l’ombre du fuyard passe, puis Croc traverse le champ à son tour.

Il se sert du portant débarrassé de tous les habits comme d’une patinette.

Gros plan sur Croc qui a maintenant pris de l’assurance. Il patine comme un chef, alternant poussées avec ses pieds et équilibres sur le portant, essayant d’être le plus aérodynamique possible ( il se tient un peu comme un surfeur ). Le crocodile se rapproche de l’inconnu(e) qui s’engage dans une allée en pente. Aussitôt, Croc prend de la vitesse. Il n’a plus besoin de patiner. Peu à peu, il réduit la distance qui le sépare du saboteur qui tente d’accélérer sa course, en vain. Sur le portant, le crocodile se prépare à l’attraper, tendant la main, prêt à le saisir au passage. Mais au fur et à mesure qu’il se rapproche, il prend conscience du danger qu’il court et a de plus en plus peur.

5 mètres, 4, 3, 2, 1… Croc a finalement si peur qu’il ferme les yeux au moment où il agrippe les vêtements du saboteur alors qu’il passe à sa portée. L’animal continue sa descente à grande vitesse ( et ce jusqu’au " cut " indiqué plus bas ).

Plan serré :

Il ouvre précautionneusement les yeux…

Plan large : …pour découvrir qu’il n’a eu que le masque et une sorte de bure noire, le tout ressemblant au costume du psychopathe de " Scream ". Effrayé sur le moment , le crocodile sursaute, mais se reprend vite. Il cherche des yeux le saboteur, en oubliant de regarder devant lui.

Ce dernier, qui porte un autre masque ( de Casper ) et une bure blanche cette fois, s’est tranquillement arrêté. Il laisse tomber une boule qui en touchant le sol déclenche un énorme écran de fumée. Avant de disparaître, le bras du fantôme émergeant de la fumée se tend avec insistance comme pour indiquer à Croc quelque chose, mais quoi ? Action rapide : le regard du crocodile se dirige vers le sol qui défile sous lui ; L’animal prend alors conscience qu’il est toujours en mouvement ; S’attendant au pire, il relève et tourne la tête vers la route devant lui. Juste à temps pour réaliser qu’il est trop tard pour éviter l’arbre gigantesque qui vient à sa rencontre.

Bruit de ferraille tordue ( off, SFX ). Cut.

Croc se relève. Le portant est en miettes. Plus haut sur l’allée, l’écran de fumée se dissipe. Evidemment, il n’y a plus personne. Le crocodile rebrousse chemin, pas très vaillant, épié par deux yeux en haut d’un arbre. Il jette des regards effrayés à tout ce qui l’entoure. Impressionné par l’obscurité et le silence, le crocodile avance de plus en vite, puis se met à courir.

Croc s’approche du plateau. Soudain, Macro surgit et lui barre la route. Il est déterminé à lui interdire l’accès au plateau.

Zut, vous êtes déjà là ? J’espérais avoir le temps d’examiner les caméras.

On commence plus tôt pour rattraper le retard accumulé… par ta faute.

Il faut que je voie Tigris. Je dois le prévenir pour les caméras. J’ai vu quelqu’un qui…

Pas question ! Interdiction formelle d’aller sur le plateau. Ordre de Miss Glodyn.

On entend alors une explosion hors champ.

Le tigre passe devant les deux animaux, la gueule toute noire de suie. Naja qui s’avançait vers le plateau le prend en photo. Déclic.

La tête de Tigris se retrouve à la Une du journal. En dessous, les portraits des trois suspects.

Gros plan sur la photo de Croc. Pano sur la droite, on découvre à côté de lui les photos de Léon et Gigi.

( = vue subjective de Croc lisant, enchaînement avec séq. suivante ).

C’est justement ces photos que Croc fixe avec colère. Il lit le journal en marchant. Croc entre dans la boîte de nuit, le journal à la main.

A l’intérieur, il voit Gigi et Léon en train de discuter, debout, près du bar. En s’approchant d’eux, Croc entend une partie de leur conversation.

Insert sur le visage de Croc qui prend un air déterminé et furieux, croyant avoir la confirmation de la culpabilité de Léon.

Ça alors ! Moi aussi je croyais que c’était toi ! Mais alors qui c’est ?

Leurs regards suspicieux se tournent vers Croc qui arrive à leur hauteur. Il en perd tous ses moyens. Les yeux affolés du crocodile passent de l’un à l’autre. Il se sent devenir tout petit. Sans demander son reste, il s’enfuit.

Successions de plans courts sans dialogues.

Le tournage se poursuit : plan de Miss Glodyn surprenant Komo et Kanga dans un décor de salon ( qui reprend le design du salon de Tigris ). La scène est surjouée dans la gestuelle, les déplacements des acteurs sont des chorégraphies minables et simples. Le décor tout entier s’enfonce brutalement dans le sol, comme s’il était descendu au sous-sol.

Dans la salle de réunion, devant l’œil sévère de Tigris, Croc, Gigi et Léon secouent la tête ( un par un, en plan serré ) : " Ce n’est pas nous ! "

Le plateau désert : dans le trou, Croc saupoudre le sol pour relever les empreintes. Pris dans un nuage, il éternue.

Le tournage se poursuit : Komo se penche au-dessus du jet central de la fontaine et récupère de l’eau dans ses mains pour offrir à Miss Glodyn. Kanga en veut aussi. Komo se penche à nouveau, mais le jet devient alors si fort qu’il projette le varan en l’air. L’animal reste un instant à dix mètres de hauteur, en équilibre sur le jet, avant d’être propulsé dans un arbre.

Dans la salle de réunion, devant l’œil accusateur de Tigris, Croc secoue la tête, Gigi lève les yeux au ciel ( avec l’air de trouver cette accusation ridicule ), et Léon mime un " juré, craché ", avec l’air le plus d’innocent dont il est capable.

Le plateau désert : Croc prend des photos de la fontaine éteinte. Plongeant sa main dans le trou d’où sortait le jet, il en ressort un bidule électronique curieux avec un cadran de compte à rebours indiquant " 00’00 ".

Puis plan serré de Naja, vendant ses journaux à la criée.

L’équipe célèbre la fin du tournage sur le plateau décoré avec des guirlandes et des ballons.

Miss Glodyn monte sur la table où trônent les bobines de pellicules pour commencer son discours. Au-dessus des bobines, il y a toutes les unes consacrées au tournage accrochées sur un fil. Naja note tout dans son calepin en tirant la langue, très appliquée. Macro aperçoit Croc qui assiste au discours. Il lui jette un regard méfiant, mais ne bouge pas.

Les animaux médusés sont alors attaqués par un avion télécommandé surgi de nulle part. Cris de surprise ( SFX ).

L’appareil pique d’abord du nez sur Tigris qui plonge au sol, puis sur Alca qui s’assomme contre un réverbère, avant de poursuivre Struthia pendant un bon moment en lui collant aux fesses. L’hélice fait d’ailleurs voler quelques plumes de l’autruche. Enfin, l’avion reprend de l’altitude et s’ouvre en deux pour laisser échapper une tonne de mousse. Les animaux ont du mal à se déplacer dans la mousse.

Tigris émerge en toussant ( SFX ).

Kanga, elle, a décidé d’en profiter pour prendre son bain. Elle se frotte le corps.

Miss Glodyn pousse un cri en montrant la table du doigt ( SFX ). Plan de la table vide.

La tête de Croc émerge de la mousse comme un périscope. Tous les regards se portent sur lui. Macro, Alca et Miss Glodyn encerclent Croc et se rapprochent peu à peu de lui, menaçants, en sautillant dans la mousse. Le crocodile n’est pas rassuré. Il réfléchit à toute vitesse à un moyen de se sortir de là. Il plonge tout à coup la main dans la mousse et ramasse le fuselage de l’avion, ainsi que sa télécommande. Il a une illumination et les brandit devant lui.

Inventer, tu dis… ( son regard erre sur les différentes unes des journaux au-dessus de la table, puis se fixe sur l’une d’entre elles. Victorieuse : ) Il a raison. Je sais qui est le coupable ! Regardez la photo !

Macro qui s’apprêtait à étrangler le crocodile interrompt son geste. Naja pointe avec sa queue la une qui relate sa visite chez les chimpanzés. Tigris s’en approche. Insert sur la photo de Troglodys prise chez lui. L’invention qu’il a à la main ressemble furieusement au fuselage miniature d’un avion, celui-là même que tient Croc. Gros plan sur Miss Glodyn, stupéfaite.

Chez les chimpanzés. Troglodys s’apprête à jeter les bobines dans le feu, lorsque sa femelle entre dans la pièce. Le chimpanzé, pris en flagrant délit, soupire.

Pardonne-moi, ma petite peluche. Mais si tu redeviens une star grâce à ce film, les humains vont vouloir à nouveau t’emmener à Hollywood… ( secouant la tête d’un air navré )… Je ne pouvais pas supporter l’idée d’être séparé de toi!

Enfin ! Jamais, je ne t’abandonnerai ! ( serrant son mâle dans ses bras : ) De toute façon, ce film est un navet , je le sais bien… Alors on peut jeter les bobines au feu, ça m’est égal !

Cut.

Miss Glodyn et le professeur, chacun dans un fauteuil, se tenant la main, regardent en souriant les bobines qui se consument dans la cheminée.

Attablés, Thalar et Buko, contrits, ont la tête baissée. Croc jubile.

L’ours et l’oiseau échangent un bref regard et détalent. Croc, seul, sourit.

Running gag : aucun animal n’a été maltraité…

Plan de Miss Glodyn, trempée et barbouillée de bananes écrasées, dans son cageot.. Elle reçoit en plus sur la tête un régime entier de bananes.