Pourquoi,
oui pourquoi,
je ( vous ) raconte des histoires?
OU
La Petite Page Illustrée de ma Vie
Bon d'accord, le gif animé, là,
c'est un peu pour la frime. En fait, je ne suis vraiment pas "né pour être
sauvage".
Et je ne vais pas vous raconter des
histoires : la saga de mes humbles années d'existence n'est ( jusqu'ici ) pas assez riche
en péripéties pour donner naissance à un roman. A peine une vague fresque historique
illustrée. Tenez, en voilà une idée! A défo défaut de vous raconter
des histoires, je vais vous en narrer juste une, celle de mes premières années. Histoire
de vous éclairer un peu sur ce qui a bien pu faire de moi ce que je suis aujourd'hui...
Allez, c'est parti!
Un soir de 1969, alors que le monde entier s'envoie en
l'air pour fêter cette année si érotique, je nais à l'heure du film.
Certains y verront un signe, quelques uns une coïncidence troublante et d'autres s'en
foutront comme de l'an 40: toujours est-il que j'étais fin prêt à regarder mon premier
film à l'instant même où l'ère air gonflait mes poumons pour la
première fois.
Le jour à garder en mémoire : le jour où un docteur, me voyant si petit et déjà fasciné à la vision d'un film policier, dit à mes parents : "oh lui, quand il sera grand, il va porter le képi". Comme quoi on peut être médecin et se tromper de diagnostic.
Les Années
"Va-te-coucher-il-est-tard"
Durant ces années là, je dors dans la même chambre que ma soeur et, bien que plus âgé qu'elle, je n'ai pas non plus le droit de regarder la télé tard le soir. Ce qui est très énervant, surtout quand tous tes petits camarades te parlent de ce qu'ils ont vu le lendemain à la récré. Nous sommes donc au lit dès 20H00, à l'heure des poules, ce qui est effroyablement tôt. Evidemment, nous n'avons pas sommeil. Qu'à cela ne tienne : j'invente mes premiers héros récurrents : "Cécile et Croling ( ne demandez pas d'où vient ce nom, je ne m'en souviens plus! Par contre, ce que je sais, c'est qu'il faut prononcer "crolaingue" )", les deux escargots (!) magiciens. Il y a même une chanson de générique pour le début de l'histoire et une autre pour la fin ( non, je ne vous la chanterai pas! ).
Le jour à garder en mémoire : le jour où ma mère nous surprend au milieu d'une aventure passionnante de Cécile et Croling qui se sont transformés en êtres humains afin de lutter contre le crime organisé ayant établi son QG dans ma chambre. Grave erreur! On n'organise rien dans ma chambre sans ma permission. Ni crime, ni rangement, ni rien! Sinon on a affaire à Cécile et Croling. " A croquoi?" demande ma mère très inquiète à mon sujet.
Les Années
"BD"
Ces années-là voient la naissance de ma vocation de dessinateur de BD. Premiers à être transposés en bulles et en dessins : Cécile et Croling, bien entendu... Pour une aventure qui se décline en deux albums. J'enchaîne avec d'autres héros qui deviennent récurrents eux aussi. Dans mes histoires, des bandits tentent de voler une mine de diamants à des indiens, un agent secret se retrouve coincé dans un parc artificiel peuplé d'animaux préhistoriques qui ne sont pas là pour distraire les touristes ( euh, je tiens à signaler que c'était écrit bien avant le Spielberg ) ou un gaffeur ( prénom : Jules, en hommage à Gaston ) n'en rate décidément pas une ( au rythme d'un gag par page ).
Le jour à garder en
mémoire : le jour où mon frère me dit en voyant mes BD : "hum,
c'est bien, mais tu devrais faire plus de gros plans". Voilà le résultat.
Et soudain, c'est la révélation, une évidence s'impose à moi : je dessine mal! La BD, c'est fini. Je trouverai d'autres moyens de raconter mes histoires.
Les Années "Action Joe"
Ces années fastes au point de vue création me
permettent de mettre au point des techniques de narration très
"feuilletonnesque". Avec mes "action joe" articulés ( à bât
bas les "big jim"! ) et mes "playmobil", je me lance dans de folles
épopées. Avec un spectateur assidu : ma soeur. Les histoires se déroulent parfois en
plusieurs parties, une dizaine de héros ( qui ne sont pas des militaires, ni des
guerriers en treillis ) fait l'objet de séries qui se poursuivent au gré de mes envies
du jour. Tensions, rebondissements, suspense, actions, drames : tout est là. Feuilleton
le plus long : "la valise" ou l'histoire d'un mec qui se retrouve avec une
valise d'agent secret dans les pattes et qui est poursuivi par une bande de tueurs. Cette
créativité enfantine est malheureusement freinée par le beau temps qui m'oblige à
sortir. Après avoir vainement tenté de faire pleuvoir à la demande, je dois me rendre
à l'évidence. Parfois il fait beau et je n'y peux rien! Pour pallier à cet
inconvénient, je crée des héros de plein air joués en "live" par moi et un
pauvre camarade que j'ai entraîné dans l'histoire. Cascadeur, détective ou aviateur,
choisis ton camp! N'empêche que je préfère quand il pleut!
Le jour à garder en mémoire : le jour où mon premier "action joe" ( "Tom" ) meurt à la fin d'une série d'aventures palpitantes qui se sont étalées sur plusieurs années. Dans les bras de sa femme ( jouée en guest star par la "barbie" de ma soeur, mais devrais-je vraiment vous raconter tout ça? ). Ma soeur met trois semaines à s'en remettre. Elle continue d'ailleurs à se venger régulièrement de la peine que je lui est infligée.
Les Années
"Rédac"
Pendant ce temps, je me mets à écrire de plus en
plus. Je commence par rendre des rédactions dans lesquelles des extra-terrestres
débarquent, un tueur harcèle une balance de la mafia pour le forcer à se suicider ou
une résistante se rend compte avec horreur qu'elle travaille en fait pour les nazis.
Encouragé par ma prof de français qui se bat avec la prof de maths pour influencer mon
choix d'études supérieures ( c'est plutôt drôle, ça d'ailleurs! ), je me lance dans
une série de romans ayant pour héros un policier qui roule en voiture de sport ( oui, je
sais, c'est tout à fait invraisemblable ) et qui n'est pas au bout de ses peines. En
fait, je n'en écris qu'un, mais les grandes lignes des différents aupuce
opus de la série sont couchées sur papier assez rapidement, ainsi que les titres (
"Soupçons détournés", "La Mort au rendez-vous", "le Masque
tombe", "Légitime défense"...). "L'Intrus" sera le roman
suivant, dans une veine fantastique cette fois. Bien entendu, personne ne les a lus et ne
les lirajamais. J'enchaîne en posant les bases d'une quinzaine de films et de
courts-métrages. Et je tente tant bien que mal de dessiner les storyboards des séquences
qui me plaisent le plus.
Le jour à garder en mémoire : le jour où, alors que j'écris sur un banc public, une fille de ma classe vient s'installer à côté de moi. "J'ai vachement aimé ton poème que la prof a lu en classe" elle me dit. "C'était beau". "Merci", je réponds rougissant. "J'ai jamais embrassé de poète" continue t-elle d'un air malicieux. Et là, elle se penche vers moi, sa main frôle la mienne et... je me réveille. Eh merde...
Les Années "Deug"
Me voilà lancé dans des études de maths-physique pour rassurer mes parents déçus que je ne veuille plus être véto. Science et Structure de la Matière, ils appellent ça! J'expédie les deux années pour pouvoir enfin passer à autre chose : la fac d'audiovisuelle. Depuis quelque temps, j'ingurgite 4 films par semaine au cinéma. Le deug me permet au moins de rencontrer un mec qui s'emmerde autant que moi et qui feuillette le même canard de cinoche . "Ah, tu lis ça toi aussi?" lui dis-je pour entamer la conversation d'un air dégagé. "Ben oui" qu'il me répond. On sympathise. L'été, je participe à son court-métrage ( qui remportera plusieurs prix - effets spéciaux, mise en scène - dans différents festivals ), je rencontre sur le "plateau" mes futurs meilleurs amis de 10 ans et quelques mois plus tard je fonde avec eux "Omnimage", une société de productions destinée à produire des courts-métrages avec les bénéfices provenant de la réalisation de films institutionnels.
Le jour à garder en mémoire : le jour où je m'installe sur un banc pour écrire , celui-là même où je me suis assis dans mon rêve ( cf. les "années rédac" ). Bêtement, je me surprends à repenser à ce fameux rêve et à souhaiter la venue de la fille de ma classe. Et le plus drôle, c'est que je vois alors une fille qui lui ressemble étrangement venir à ma rencontre. Mais, oui, c'est elle! Youhouuu! Elle me sourit, s'approche et... va rejoindre sa copine qui était un peu plus loin derrière moi. Evidemment, c'est à elle que s'adressait le sourire. J'aurais dû m'en douter : j'ai vu ça dans un millier de films déjà. Et puis, comment m'aurait-elle reconnu après toutes ces années? Moralité : quoiqu'on en dise, la réalité dépasse rarement la fiction. M'en fous. De toute façon, elle avait vachement grossi.
Le reste de l'histoire, vous la connaissez. Mon CV en témoigne. Comme vous pouvez le voir, cette passion pour les histoires, quelles que soient les formes employées pour les raconter, remonte à loin. Je ne sais pas si vous êtes plus avancé, mais moi, c'est fou que ça m'a fait du bien de repenser à tout ça. Bon, maintenant, vous pouvez bien me le dire : c'est grave, docteur? Et pourquoi donc alors que je raconte des histoires tout le temps?
Histoire préparée à l'ancienne. Ingrédients frais et de premier choix garantis. Composition : 62,9 % de vérité, 11,4% de pures inventions, 16,7% de faits romancés, 9% d'hallucinations collectives.