SEINFELD - EPISODE SPECULATIF - 22’
AUTEUR : LOIC BELLAND
Notes : cet épisode se situerait plutôt dans les dernières saisons. Il n’y a pas de monologues de Jerry. George travaille encore chez les Yankees.
1 - EXT. RUE / JOUR
Seinfeld passe devant la file d’attente d’un cinéma. Eberlué, il voit une femme se faufiler à travers la foule qui attend pour acheter les tickets. Elle double tranquillement tout le monde, sans le moindre état d’âme, et personne ne lui dit rien.
SEINFELD : encore elle !
2 - INT. APPARTEMENT JERRY / JOUR
Seinfeld est en pleine discussion avec Elaine. Il est en train de préparer un thé. Elaine est assise sur le canapé.
ELAINE : deux fois?
JERRY : deux fois ! Exactement la même femme ! Miss coupe-file. La reine de la resquille. La championne du monde du saut de personnes en file indienne.
ELAINE : et personne ne lui dit rien ?
JERRY ( gesticulant ) : personne ! Elle passe comme une flèche, directement de la fin de la queue au guichet. Tout juste si elle ne serre pas des mains en passant : " Hello, je suis Miss Coupe-file 97, votez pour moi l’année prochaine ".
ELAINE ( admirative ) : wow ! Si j’osais...
JERRY : je suis sûr que si moi je le faisais, je me retrouverais immédiatement encerclé par une foule en colère prête à me lyncher. Ça me rend fou. Elle, là, sous prétexte que c’est une femme et qu’elle est - disons - pas trop mal, personne ne devrait lui faire la moindre réflexion ? Vous n’avez pas le droit de profiter de notre faiblesse ainsi, il devrait y avoir une loi contre ça.
ELAINE : " vous " ?
JERRY ( apportant le thé à Elaine ) : oui, vous, les femmes.
ELAINE ( avec un grand sourire enjôleur ) : tu peux m’apporter un sucre, s’il te plaît? ( Jerry repart vers le coin cuisine, et lui ramène le sucre. Nouveau sourire charmeur : ) Et un peu de crème. ( Jerry repart ) On n’est pas toute comme ça, tu sais.
Sonnerie de l’interphone.
JERRY ( à l’interphone ) : salut George, monte.
ELAINE ( s’étirant avec sensualité ) : au fait, tu me prêtes ta voiture ?
JERRY ( plaintif ) : encore ! La dernière fois, j’ai du la récupérer à la fourrière.
ELAINE ( minaudant ) : ce n’était pas ma faute. Le policier a commis une erreur de jugement.
JERRY : une erreur de jugement ? Elaine, encore une fois, avoir une gueule de bois pendant toute une semaine ne fait pas de toi une handicapée pour autant. Par conséquent, ça ne te donne pas le droit de te garer sur le parking qui leur est réservé.
ELAINE : si tu le dis. Alors, tu me la prête ?
JERRY ( abandonnant ) : OK. Prends les clés.
George entre. Il porte une veste ample dont les pans flottent autour de sa ceinture. Un large sourire de satisfaction éclaire son visage.
JERRY : quoi de neuf, George ? à part ton bonheur d’être en vacances ?
GEORGE ( claironnant ) : vous avez devant vous un nouveau George. George, la classe. George, le branché. Distinction, assurance, nonchalance.
JERRY ( échangeant un regard étonné avec Elaine ) : pourquoi ? c’est la veste ?
GEORGE ( tout fier ) : oh, non, ce n’est pas la veste. C’est ce qu’elle cache astucieusement.
ELAINE ( fronçant les sourcils ) : ton ventre ? Tu as grossi ?
GEORGE ( haussant les épaules ) : non. Attention, regardez bien !
George écarte d’un geste sec le pan gauche de sa veste, dévoilant la présence d’un téléphone portable accroché à sa ceinture.
JERRY ( feignant un enthousiasme débridé ) : un portable...
ELAINE ( surenchérissant ) : un portable...
GEORGE : c’est ça, moquez-vous. Vous n’imaginez pas à quel point ça change la vie.
JERRY : pourquoi ? Tu as déjà reçu ou passé un appel d’une importance capitale dessus ?
GEORGE : un appel ? Bah, non, pas encore. Mais ce qui compte, c’est que ce portable dit aux gens qui me croisent.
ELAINE ( rieuse ) : ah, parce que c’est un portable qui parle...
JERRY ( faussement sérieux ) : ne l’écoute pas, George... qu’est-ce qu’il leur dit ?
GEORGE ( sérieux ) : il leur dit : attention, cet homme a le pouvoir, il a la séduction. ( avec le ton d’une annonce publicitaire : ) Cet homme est forcément important. Pourquoi ? Il a un portable. Il est forcément fascinant. Pourquoi ? Il a un portable.
George fait quelques pas dans l’appartement. Entend une sonnerie imaginaire. S’immobilise, l’air faussement modeste et cool. Puis, il écarte les pans de sa veste comme le ferait un cow-boy avant de dégainer.
GEORGE ( à fond dans son trip ) : excusez-moi, Mesdames, je dois prendre cet appel.
George dégaine son portable d’un geste vif et assuré et le porte à son oreille.
GEORGE ( remettant son portable en place ) : Et là, elles se pâment toutes. Normal, je suis forcément irrésistible...
ELAINE ( poursuivant la phrase à sa place avec le même ton employé par George auparavant ) : pourquoi ?
JERRY ( idem ) : ... il a un portable.
GEORGE : exactement.
ELAINE ( se levant ) : bon, j’y vais. Je dois trouver une chambre d’hôtel pour ma cousine. J’avais promis de l’héberger, mais...
JERRY : mais ?
ELAINE : mais, je me suis souvenue d’un détail : elle a passé son adolescence à me piquer mes petits copains. Et il y a une scène que je voudrais bien ne pas revivre une fois encore : elle, faisant l’amour avec mon petit ami, dans ma chambre, pendant que je me morfonds sur le canapé du salon. En plus, ils avaient emporté tout le pop-corn.
SEINFELD : tu n’as même pas de petit copain en ce moment.
ELAINE : je pourrais. De toute façon, je ne prendrais pas ce risque. Elle est bonne pour une chambre d’hôtel... pas trop chère, voire minable. C’est moi qui paye.
Elaine se dirige vers la porte qui s’ouvre tout à coup. Kramer bondit dans l’appartement comme à son habitude, seulement, cette fois, il ne contrôle pas son habituel dérapage et s’étale de tout son long. Elaine l’a évité de justesse, le laissant s’écraser au sol.
ELAINE : bye Jerry, bye George. ( saluant Kramer au sol : ) Kramer.
KRAMER ( se redressant et secouant sa tête pour se remettre les idées en place ) : Elaine. Salut, les mecs. Quelle gamelle ! J’ai besoin de caféine.
3 - INT. MONK’S CAFE / JOUR
George, Kramer et Jerry prennent un café autour d’une table. Kramer remarque le portable que George s’est empressé de poser bien en vue sur la table.
KRAMER ( sérieux ) : tu sais que les portables donnent le cancer. Le cancer du cerveau.
GEORGE : ce sont des histoires.
JERRY ( à Kramer ) : tu n’as pas l’air en forme.
KRAMER ( énervé ) : je n’ai pas dormi. Mon nouveau voisin joue du piano. La nuit.
JERRY : je n’ai rien entendu.
KRAMER : tant mieux pour toi. A 1h du matin, il a fait ses gammes, à 1h30, il a entamé " la panthère rose ", et à 2h, j’ai pu revivre l’intégralité du naufrage du " Titanic ", la voix de Lénine Dion en moins.
GEORGE : " Céline " Dion, pas " Lénine " Dion. Est-ce que vous croyez que la serveuse a vu le portable ?
KRAMER ( sérieux ) : oh, je me disais aussi : pourquoi diable lui avoir donné un nom pareil... Lénine, c’est pas un nom de fille.
JERRY : tu n’es pas allé frapper à sa porte ? Toc, toc, " bonjour, vous savez qu’il y a des gens qui dorment la nuit ? ".
KRAMER : ça ne va pas la tête. Jamais de la vie. Je ne suis pas de ceux qui vont se plaindre chez leurs voisins au moindre petit truc qui cloche. A la moindre anicroche.
JERRY ( abasourdi ) : anicroche ? ce type t’a joué du Céline Dion toute la nuit. Quel genre de psychopathe joue du piano la nuit sans penser un seul instant que ça peut déranger les gens ? Je suis sûr que même Jerry Lee Lewis ne joue pas la nuit dans sa piaule. Il met le feu à ses pianos, d’accord, mais il ne joue pas la nuit.
KRAMER : je sais, je sais. T’inquiète, j’ai un plan. Je me suis dégotté une batterie. S’il recommence son manège, je me mettrais à jouer de mes baguettes aussitôt qu’il sera couché et endormi. Vers 4h du matin, s’il suit le même programme que ce matin.
JERRY : qu’est ce que c’est que cette idée saugrenue? " Œil pour œil ", " dent pour dent ", " piano pour batterie " ?
KRAMER ( expliquant ) : mais non... Je joue de la batterie : énervé par le bruit, il va forcément rappliquer chez moi, et là, petite explication. Et comme il aura fait l’expérience de ce qu’il m’a fait subir, il n’aura pas d’autre choix que de reconnaître ses torts et de s’excuser. Brillant, non ?
JERRY ( pince sans rire ) : eh, j’ai une autre idée. Et si tu lui offrais un portable ? D’ici 5 à 10 ans, il meurt d’un cancer du cerveau. Et voilà, plus de piano la nuit ! Fini, le piano !
KRAMER ( réfléchissant ) : pas bête. Ce sera le plan B.
George pousse ostensiblement le téléphone en bord de table pour que la serveuse le voie mieux.
4 - EXT. RUE / JOUR
George et Jerry marchent dans la rue. George marche les mains derrière le dos, les pans de sa veste volontairement retenus en arrière, exposant ainsi son portable au regard des passant(e)s.
JERRY : cette fille, c’est exactement le même genre que Miss Coupe-file. Tu vois, au bout du compte, elle a récupéré la meilleure place et personne n’a rien osé lui dire. Résultat, ce pauvre type est mort gelé.
GEORGE : c’est vrai. Et pourquoi il n’a pas essayé de remonter sur la planche ? Il y avait largement de la place pour deux.
JERRY : exactement. En plus, il était plus fort qu’elle, il n’avait qu’à la pousser. Mais non, il a préféré l’effet tonifiant de l’eau glacé : " Surtout ne rien lui dire, elle est vraiment trop belle ". Encore une profiteuse de première classe!
GEORGE : je n’ai vraiment pas marché, moi, à ce film.
JERRY ( accusateur ) : Tu pleurais quand il est mort, George.
GEORGE ( protestant faiblement ) : je ne pleurais pas. J’étais ému par les musiciens parce qu’ils sont restés jusqu’au bout. J’aime les gens qui s’impliquent dans leur travail.
Les deux hommes arrivent devant un drugstore.
GEORGE : tu m’attends dehors ? tu es sûr ?
JERRY : oui, vas-y. Je n’ai rien à y acheter.
5 - INT. DRUGSTORE / JOUR
George fait la queue devant une caisse. Il tient deux flacons à la main. Une femme avec enfant arrive à sa hauteur et lui adresse un grand sourire.
L’ENFANT : pipi ! pipi !
LA FEMME : excusez-moi, Monsieur. Je peux passer devant vous, je n’ai qu’un article. Et le petit doit...
GEORGE (enflammé, encore dans sa discussion avec Jerry ) : non, vous ne pouvez pas. Je suis arrivé là avant vous. Et n’espérez pas davantage que je me laisse mourir dans l’eau glacée pour vos beaux yeux. Votre pouvoir ne marche pas sur moi.
La mère n’insiste pas, prenant visiblement George pour un fou. Soudain, la sonnerie de son portable retentit dans tout le magasin. George est tout fier, mais les regards peu amènes des clientes qui se sont tous braqués sur lui font disparaître sa belle assurance. Une cliente, visiblement surprise par le bruit strident, a laissé tomber ses achats par terre.
GEORGE ( avec un pauvre sourire embarrassé) : c’est mon portable.
LA CAISSIERE : sans rire ! Je croyais que c’était votre compte-minute qui indiquait que votre crâne d’œuf et les quelques neurones qu’il abrite étaient cuits à point.
GEORGE ( peu assuré, à la ronde ) : excusez-moi, hum...Mesdames, je dois... hum... prendre cet appel...
GEORGE: allô... ( étonné : ) Maman ?
Regards moqueurs des clientes à George.
Sous l’enfant, une petite flaque est apparue. George ne sait plus où se mettre.
6 - EXT. RUE / JOUR
Accablé, George traîne les pieds. Jerry peine à cacher son hilarité.
GEORGE : j’ai été si humilié.
JERRY : donc, ça ne marche pas avec les filles ? Elles ne t’ont pas trouvé... comment tu disais déjà... ah, oui : " fascinant " ? Ni même un tant soit peu " irrésistible " ?
Nouvelle sonnerie. George décroche et s’éloigne un peu de Jerry.
GEORGE : allô ! ( énervé : ) Maman ? ! Tu viens de m’appeler. ( impatient : ) oui... oui... non... je sais. ( faux-cul : ) Qu’est-ce que tu dis, je t’entends mal, je vais passer sous un tunnel, ça va couper.
Aussi sec, George met fin à la conversation en raccrochant.
LA JEUNE FEMME ( hors champ ) : excusez-moi.
George se retourne et découvre une charmante jeune femme.
LA JEUNE FEMME : j’ai remarqué que vous aviez un portable. Est-ce que ça vous dérangerait de me le prêter un instant ?
GEORGE ( sûr de lui à nouveau ) : bien sûr que non. Allez-y, prenez le. Il est à vous. ( se reprenant : ) Enfin, pas vraiment, hein... Façon de parler... C’est mon portable...
Quelques instants après, il rejoint Jerry qui contemple de loin une file d’attente pour un spectacle intitulé " Dogs ".
GEORGE ( tout excité ) : Jerry, ça marche ! J’ai un rendez-vous ! Grâce à mon portable.
JERRY ( perdu dans ses pensées, fixant la file ) : je crois que Miss Coupe-file a frappé encore une fois. Dans cette file, là-bas.
7 - INT. APPARTEMENT KRAMER / NUIT
Kramer dans son lit ouvre brusquement les yeux. Il entend à nouveau le piano. Le " Titanic " coule une fois de plus. Il est 1h30 au réveil. Fondu sur le réveil. 4hOO. Kramer met son plan à exécution : tout est silencieux maintenant. Il attrape ses deux baguettes et commence un solo de batterie plutôt impressionnant et très bruyant. L’homme est survolté et semble y prendre un plaisir fou.
KRAMER : allez, viens me voir maintenant si tu es un homme !
Il a la surprise d’entendre le piano reprendre par dessus son solo. On dirait que le pianiste accompagne le batteur. Kramer joue plus fort. Le voisin fait de même. Kramer se déchaîne.
8 - INT. APPARTEMENT JERRY / NUIT
Jerry entend la batterie, mais pas le piano.
JERRY ( attrapant un oreiller pour se l’enfoncer sur la tête ) : KRAAAMMEEER ! La ferme !
7bis - INT. APPARTEMENT KRAMER / NUIT
Kramer transpire. Finalement, le piano laisse résonner une dernière note. Victorieux, Kramer se lance dans un dernier petit solo dont la force le fait même tomber de son tabouret. Bruit de pas, on sonne ( hors champ ). Cosmo se relève.
9 - INT. COULOIR / NUIT
Kramer ouvre brutalement la porte. Le voisin se tient devant lui, serein. Nous ne le voyons que de dos. Il fume le cigare.
KRAMER ( jubilant ) : c’est pour quoi ? Vous avez un problème, Monsieur ...?
LE VOISIN ( calme ) : c’est vous qui jouez de la batterie ?
KRAMER ( prêt pour l’affrontement, en salive à l’avance ) : oui, c’est moi. Pourquoi ? Ça vous dérange que je joue de la batterie à 4h00 du matin quand les gens dorment ?
LE VOISIN : non, pas du tout. Mais je trouve que vous jouez remarquablement. Vous avez un véritable don, on ne vous l’a jamais dit ?
Kramer reste bouche-bée. Coupé dans son élan, il perd toute velléité vindicative.
KRAMER ( flatté ) : ah, oui ?
LE VOISIN : je vous assure. Vous voulez un cigare ?
10 - INT. MONK’S CAFE / JOUR
George et Jerry à table. Jerry, énervé, observe George qui n’arrête pas de surveiller son portable.
JERRY : arrête de regarder cet appareil, George. On va toujours au cinéma tout à l‘heure ?
GEORGE : oui, oui. ( pensif : ) Pourquoi, tu n’as pas de portable ? Tu devrais en avoir un aussi.
Kramer entre dans le café et s’affale à leur table.
JERRY : il y a trois choses dont je ne veux pas dans ma vie : la mort, le cancer... et un portable.
KRAMER ( taquin ) : mourir d’un cancer à cause d’un portable, voilà qui serait le pompon, hein ?
JERRY ( entrant dans son jeu ) : un cauchemar. De toute façon, pour le cancer, j’ai ce qu’il me faut, j’ai déjà un micro-onde, merci bien.
GEORGE : arrêtez avec ces histoires de tumeurs, ce n’est pas vrai.
KRAMER : que tu dis ! Un de mes amis est mort d’un cancer du cerveau.
GEORGE ( sceptique ) : et il avait un portable ?
KRAMER : non, mais le jour d’avant, il était justement allé dans un magasin pour en choisir un pour son anniversaire. Tu vois l’efficacité du truc. Ça te bousille bien la tête.
GEORGE ( consterné, à Jerry ) : que reproches-tu au portable ? Un artiste comme toi se doit d’en avoir un. Tu pourrais être joint tout le temps.
JERRY ( protestant ) : justement, je ne veux pas être joignable tout le temps... J’aime l’idée de ne pas être joignable où que je sois... et quelle que soit l’heure... Et je ne veux pas être responsable du licenciement des milliers de personnes qui travaillent dans l’industrie du répondeur.
GEORGE : ça va, j’ai compris. Eh, Kramer, alors, Jerry m’a dit que tu avais appliqué ton plan cette nuit ?
KRAMER : oh, oui !
JERRY : alors, tu l’as remis à sa place ce fauteur de trouble?
GEORGE ( devant l’hésitation de Kramer ) : dis-nous, ça s’est déroulé comme prévu ?
KRAMER : pas exactement... Je vais monter un groupe avec lui. Lui, au piano, moi à la batterie. Ça va être du feu de dieu. Vous savez qu’il a trouvé des partitions inédites des Beatles qu’on croyait perdues à jamais?
Jerry a failli recracher la gorgée de café qu’il venait de boire.
11 - INT. CINEMA / NUIT
Jerry et George s’assoient au deuxième rang, après avoir fait se lever une dizaine de spectateurs. George a le pop-corn, Jerry, les boissons.
Au moment où le film commence, le portable sonne. Les spectateurs protestent. George est gêné. Jerry aussi.
GEORGE ( chuchotant ) : désolé, je dois prendre cet appel. ( pause ) C’est pour toi, Jerry : Kramer.
JERRY ( ennuyé, chuchotant ) : Kramer, qu’est-ce que tu veux ? ( pause ) Mes grosses casseroles ? Sous l’évier, pourquoi? ( pause ) Un nouveau son... pour ton groupe ? ? Je vois... ( pause ) Au cinéma. Un polar. " Qui a tué Lucie ? ". ( pause, mécontent ) Il ne fallait pas me... oh, laisse tomber. Bye.
GEORGE : qu’est-ce qu’il a dit ?
JERRY ( montrant l’écran du film ) : c’est sa mère qui l’a tuée.
GEORGE : oh...
Dépités, les deux hommes se relèvent, dérangeant les spectateurs dans l’autre sens et quittent la salle.
12 - EXT. RUE / JOUR
Jerry fait la queue pour s’acheter un sandwich. Bouche-bée, il voit sa fameuse Miss Coupe-file le dépasser et se diriger vers le comptoir.
JERRY ( criant ) : eh, vous, attendez !
Jerry remonte la file à la suite de la femme. Il la rejoint au comptoir.
JERRY ( à la femme qu’il ne voit que de trois-quarts dos ) : vous n’êtes pas familiarisée avec le principe des files d’attente, peut-être? De quel droit, vous passez devant tout le monde ?
La femme se retourne. Elle est splendide et... enceinte jusqu’aux yeux, ce que ni Jerry, ni le téléspectateur, n’avaient pas pu voir avant.
MISS COUPE-FILE ( charmeuse, détaillant Jerry de haut en bas ) : je suis désolée. Laissez-moi me racheter en vous payant un verre.
JERRY ( décontenancé ) : vous êtes enceinte ?
LE MARCHAND ( à Jerry ) : vous voulez quelque chose ?
Jerry hésite : il voit toute la file des gens qui attendent et qui auraient dû être servis avant lui!
JERRY ( balayant tout scrupule ) : oh, et puis après tout, je ne vais pas retarder tout le monde... un hot-dog à la moutarde, s’il vous plaît.
MISS COUPE-FILE : et ajoutez deux cafés sur ma note.
13 - INT. APPARTEMENT JERRY / JOUR
Elaine et Jerry sont assis dans le canapé.
ELAINE : elle était enceinte ?
JERRY : elle était enceinte.
ELAINE : et c’est une excuse ?
JERRY : elle m’a offert un café pour se faire pardonner. On a parlé. C’est une fille très bien. Elle m’a invité à dîner chez elle.
ELAINE : elle t’a invité à dîner ? Errkk...
JERRY : quoi, " erkkk " ?
ELAINE : ben, ça te dérange pas de faire l’amour avec une femme enceinte ?
JERRY : je ne vais pas...
George revient des toilettes.
GEORGE ( intrigué ) : qui va faire l’amour avec une femme enceinte ?
ELAINE : Jerry.
JERRY : qui a parlé de faire l’amour avec elle ? Pas moi.
ELAINE : enfin, Jerry, cette femme t’a invité chez elle. Un dîner. Un soir. Chez elle. C’est clair, non ?
GEORGE : oh, oui. Le petit va avoir un avant-goût de ce que sont les montagnes russes ce soir. Secousses et cris à gogos.
JERRY ( grimaçant ) : ne dis pas ça, c’est dégoûtant.
Kramer entre comme à son habitude.
KRAMER : qu’est ce qui se passe ?
GEORGE : Jerry sort avec une femme enceinte.
KRAMER : oh, Mama, tu ne vas pas t’ennuyer. Les femmes enceintes sont si chaudes. Les hormones. Tu verras, elles sont insatiables.
JERRY ( un peu vert ) : vraiment ? Je n’avais pas réfléchi.
ELAINE : c’est un peu comme si tu faisais l’amour à trois, non ? Surtout que tu le sens bouger. Le bébé.
GEORGE ( renchérissant ) : t’as intérêt à être présentable, parce que si tu le recroises plus tard, mieux vaut lui avoir laissé une bonne impression.
ELAINE : " je me souviens de vous, votre tête me dit vaguement quelque chose, autant pour moi, ce n’était pas votre tête "
JERRY ( horrifié ) : Elaine ! Ça suffit. C’est bon. J’annule le rendez-vous. Je vais lui dire que je suis malade.
En arrière-plan : Jerry prend son téléphone et appelle.
ELAINE : vous voulez venir avec moi et Jerry, on va trouver une chambre pour ma cousine. Toutes celles que j’ai vues jusqu'à maintenant étaient trop bien pour elle.
KRAMER : pas de problème, je viens.
GEORGE : moi aussi.
JERRY ( qui a raccroché ) : j’ai eu son répondeur.
ELAINE : on y va ?
JERRY : je ne peux pas, je suis censé être à la maison avec 40 de fièvre et elle va probablement me rappeler.
ELAINE : oh, viens, tu t’en fous après tout.
JERRY : non. Je ne veux pas être pris pour un menteur.
ELAINE : mais tu es un menteur.
GEORGE : tu n’as qu’à faire un renvoi d’appel sur mon portable.
JERRY : non !
ELAINE : c'est réglé. Tu viens.
14 - EXT. RUE / JOUR
Kramer a allumé le cigare que lui a donné son voisin. Elaine s’approche des portes d’hôtels pour lire les prix.
JERRY : tu cherches quel genre d’hôtel ?
ELAINE : le genre qui te fait te gratter toute la semaine après y avoir passé une nuit.
JERRY : alors l’heure de la punition a sonné pour la voleuse de petit ami ? ( ironique : ) 20 ans après ? Est-ce que les mots "pardon "... ou "prescription " n’évoquent rien pour toi ?
ELAINE ( souriant ) : non, jamais entendu parler. La vengeance est une boisson qui refroidit.
JERRY ( amusé ) : à vrai dire, je crois que l’expression exacte, c’est un plat...
Le portable de George sonne, interrompant Jerry.
JERRY ( paniqué ) : donne-le moi, c’est peut-être elle.
George lui tend l’appareil.
JERRY ( au téléphone ) : Allô ? ( petite voix faible : ) ah, c’est toi. Oui, la crève. Je suis désolé.
KRAMER ( à George, ton de la confidence ) : La position qu’elles préfèrent, c’est à quatre pattes, leur ventre les gêne moins.
Jerry lui fait signe de se taire. Elaine se met à lire la fiche des tarifs à la porte d’un hôtel.
JERRY ( au téléphone ) : non, personne. Je suis seul.
ELAINE ( haut et clair ) : Jerry, c’est 200 FF, la nuit. C’est pas excessif, hein ?
George et Kramer grimacent.
JERRY ( au téléphone ) : cette voix ? Personne. Mais, non, je ne suis pas avec une prostituée. Je t’assure, je suis malade.
Kramer souffle sur Jerry la fumée de son cigare. Jerry tousse.
ELAINE ( haut, à Kramer ) : arrête avec ton cigare.
KRAMER ( bas ) : chut ! Comme ça au moins, il a l’air à l’agonie.
JERRY ( au téléphone, essayant de rattraper le coup ) : cigare ? Tu es sûre que tu vas bien ? Personne n’a parlé de cigare. Es-tu sujette aux hallucinations auditives quand tu as de la fièvre ? Peut-être que je t’ai refilé ma crève, tu sais... Allô ? ( à ses amis : ) elle a raccroché, c’est malin.
Nouvelle sonnerie. Jerry s’empresse de prendre la ligne.
JERRY ( au téléphone, précipitamment ) : je t’assure que je ne suis pas avec une prostituée.
( pause )( changeant de couleur : ) Comment allez-vous, Mme Costanza ? ( tendant le combiné à George : ) c’est ta mère.
GEORGE : allô, maman. Tu m’as appelé il y a une heure. ( pause ) Non, Jerry ne voit pas de prostituée. ( vexé : ) Oui, je sais. Parfois, j’ai besoin de payer pour avoir des relations sexuelles. Mais pas Jerry. Pas lui.
ELAINE ( au tenancier de l’hôtel qui sort sur le perron ) : dites, vous avez des puces dans les chambres ? C’est pour une amie. Sans rire ? Arrêtez la fumigation, je la prends !
15 - INT. APPARTEMENT GEORGE / NUIT
Le portable est posé sur la table de nuit. George est au lit avec la jeune femme qui lui avait emprunté son téléphone dans la rue. Elle dort. La sonnerie retentit. George est ennuyé :
il a le bras coincé par le corps de la femme. Il essaye de se dégager, sans résultat. Elle ne se réveille même pas. Alors, George s’énerve.
GEORGE ( criant ) : je dois prendre cet appel !
La femme se réveille en sursaut.
GEORGE ( jouant les innocents, tout doux ) : oh, la sonnerie t’a réveillée, ma chérie ?
16A - INT. APPARTEMENT JERRY / JOUR
George, Jerry et Kramer sont dans le salon. George semble à bout.
GEORGE : je ne supporte plus ce foutu portable. Ça tourne à l’obsession. Hier, j’ai été jusqu'à supplier les gens dans la rue de m’aider à décrocher parce que mes mains étaient prises par mes provisions. J’ai même été jusqu'à leur proposer de l’argent. Ils ont cru que j’étais une espèce de pervers qui aimait être tripoté.
KRAMER : ça n’aurait pas été plus simple de poser les sacs par terre ?
GEORGE : la police m’a demandé la même chose. ( poursuivant ses jérémiades :) Et ce n’est pas fini : je suis célibataire à nouveau. Ma mère m’appelle 10 fois par jour. Hier soir encore. Et ce matin.
FLASH-BACK 1 - INT. APPARTEMENT GEORGE / JOUR
Gros plan de George.
George ( calme ) : crois-moi Maman, tu ne veux pas savoir où je me trouve. Et ne demande pas non plus ce que je fais.
On découvre que George est aux toilettes. Fin du flash-back.
16B - INT. APPARTEMENT JERRY / JOUR
JERRY : mais pourquoi tu as donné ton numéro de portable à ta mère ? Tu ne lui donnes jamais rien d’habitude, même pas de tes nouvelles.
GEORGE : je ne pouvais pas savoir qu’elle allait m’appeler toutes les cinq minutes.
JERRY : on ne donne pas son numéro de portable à sa mère. Jamais.
KRAMER : oh que non. Pas à son banquier, pas plus à sa petite amie. Et surtout pas à sa mère. Jamais. C’est comme servir un verre à un alcoolique et croire qu’il ne va pas le boire.
Incompréhension totale de George et Jerry.
JERRY ( faisant semblant d’avoir compris ) : exactement... ( reprenant : ) Donc le portable te pourrit plutôt la vie finalement. Qu’est-ce qui t’est arrivé d’autre ?
GEORGE ( mentant ) : Oh, rien, rien de particulier.
FLASH-BACK 2 - EXT. RUE / JOUR
George qui mange un sandwich s’apprête à traverser une rue. Un HOMME à quelques mètres de lui lit une série de papiers. Un PASSANT le bouscule et poursuit son chemin : la plupart des feuilles, emportées par le vent, échouent près de George.
L’HOMME ( désespéré, criant à George ) : Monsieur, s’il vous plaît ! Bloquez-les avant qu’elles ne s’envolent!
George n’a qu’à se baisser pour les ramasser. Il va le faire quand la sonnerie retentit. Son sandwich à la main, George regarde les feuilles, son portable qui sonne, les feuilles... son portable.
L’HOMME ( ramassant les feuilles tombées de son côté ) : vite, s’il vous plaît ! C’est très important.
GEORGE ( hésitant ) : un instant, je dois absolument prendre cet appel. Allô ?( pause)( incrédule : ) Maman ?
Trop tard pour les feuilles éparses : elles s’envolent, malgré les tentatives de George qui a essayé de les plaquer au sol avec le pied. L’homme furieux se met à courir derrière les papiers. Hors champ, on entend un Klaxon, un freinage brusque et un choc sourd. George détourne la tête, un peu embarrassé. Fin du flash-back.
16C - INT. APPARTEMENT JERRY / JOUR
KRAMER : au fait, pourquoi tu ne l’éteins pas ?
GEORGE : je ne peux pas.
JERRY ( pince sans rire ) : je suis sûr qu’il y a un bouton quelque part dessus.
GEORGE : ce n’est pas le problème : en fait, mon patron m’a donné ce portable. On a un nouveau joueur qui arrive cette semaine et c’est moi qui dois l’accueillir. J’avais le choix : le portable ou l’annulation de mes vacances. J’ai choisi le portable. Je dois me rendre à l’aéroport dès que le bureau m’appelle et s’ils n’arrivent pas à me joindre, je suis viré.
JERRY ( riant ) : donc tu n’as pas acheté un portable pour avoir l’air... " fascinant et important "...
KRAMER : tu aurais dû nous dire la vérité, parce qu’avec tes histoires de " Georgie-la-classe ", tu passais vraiment pour un âne... Sans vouloir t’offenser.
GEORGE ( las ) : non, tu as raison, je suis âne. Vous savez quoi ? En plus, j’ai perdu le portable !
JERRY : hein ?
GEORGE : je l’ai oublié dans le taxi. J’ai dû prendre un taxi après mon accident.
KRAMER : ton accident ?
GEORGE : oui, j’ai eu un accident à cause du portable. Je buvais un café d’une main en conduisant de l’autre et le téléphone a sonné.
JERRY : et tu n’as pas posé ton café ?
GEORGE ( embarrassé ) : non, j’ai pris l’appel avec l’autre main.
17 - INT. ENTREPOT DE TAXI / JOUR
Jerry, George et Kramer s’adressent au guichet des " objets trouvés ".
GEORGE : bonjour. Je vous ai appelé. Vous m’avez dit que vous aviez trouvé mon téléphone et que je pouvais passer à l’ouverture.
LE GUICHETIER 1 ( peu concerné ) : ah, oui. Exact.
GEORGE : je peux le récupérer ?
LE GUICHETIER 1 : non.
GEORGE ( avec un petit rire ) : pourquoi ?
LE GUICHETIER 1 ( indifférent ) : nous l’avons perdu.
GEORGE : non, je l’ai perdu. Vous l’avez trouvé. C’est comme ça que ça marche.
LE GUICHETIER 1 : nous l’avions trouvé, mais nous l’avons en quelque sorte égaré à notre tour.
GEORGE : vous ne pouvez pas avoir perdu mon portable, vous êtes les objets trouvés.
LE GUICHETIER 1 : je sais. C’est dur la vie.
GEORGE : c’est impossible. Les objets trouvés ne perdent pas les objets précédemment perdus par les gens, sinon c’est le chaos. La vie n’a plus aucun sens.
JERRY : vous n’avez pas un bureau pour les objets perdus aux objets trouvés ?
Une sonnerie retentit. Elle ressemble à celle du portable de George. Le GUICHETIER 2 qui est assis au guichet d’à côté sort un téléphone de sa poche.
LE GUICHETIER 2 : allô ? George ? Non, il n’y a pas de George, ici. Quel joueur vous dites ?
GEORGE ( se précipitant à l’autre guichet ) : hey, c’est mon portable, c’est moi George. Donnez-le moi.
Le guichetier 2 lui restitue son portable. George, dégoûté, doit se rendre à l’évidence : la batterie vient de rendre l’âme.
GEORGE ( disjoncté ) : plus de batterie. Je suis fini. Largué. Chômeur. Demain, je serai à la rue. Dans le caniveau, jouant avec un rat... et mon téléphone portable sans batterie.
JERRY : pourquoi tu n’appelles pas tout simplement ton bureau de chez moi? Tu sais qu’ils viennent d’essayer de te joindre, rien ne t’empêche de les rappeler.
GEORGE ( plus calme ) : mais oui, c’est vrai.
KRAMER : bon, je vous laisse. Je dois aider le voisin à aménager la salle de répétition.
JERRY : tu es obligé ?
KRAMER : oui, déjà qu’il est effondré parce qu’un imbécile a laissé les partitions des Beatles s’envoler. Elles sont foutues, vous savez. Tout ça parce qu’un crétin n’a pas voulu lâcher son sandwich.
Comprenant que le crétin en question c’est lui, George détourne la tête en se mordant les lèvres pour éviter de se trahir.
18 - INT. APPARTEMENT JERRY / JOUR
George raccroche le téléphone de Jerry, soulagé.
GEORGE ( joyeux ) : le transfert est annulé. Je suis si content. Le type a eu un grave accident.
JERRY ( ironique ) : quelle chance tu as ! C’est génial.
GEORGE ( jubilant ) : oui ! Il ne jouera plus jamais... ni avec les yankees... ni même avec une autre équipe. Et tu ne devineras jamais pourquoi ! Il a tenté de resquiller dans une file d’attente pour voir un opéra. Il s’est fait tabassé par une foule en colère.
JERRY : un opéra ? Quelle idée !
GEORGE : plus besoin de ça.
George jette son portable dans la poubelle.
GEORGE : est-ce que le réseau des mobiles couvre les rocheuses ?
JERRY : sans doute pas. Trop montagneux. Pourquoi ?
GEORGE : parce que c’est décidé, je pars en vacances. Je peux maintenant. Dans un endroit où le téléphone n’a pas encore été inventé.
JERRY : tu es sûr ? On devait aller voir le nouveau show qui fait fureur, " Dogs ".
GEORGE : m’en fous. J’ai même pas aimé " Cats ".
18 - EXT. RUE / JOUR
Elaine et Jerry font la queue pour acheter les tickets de " Dogs ". Ils ne sont pas très bien placés.
JERRY : on ne va pas avoir de places.
ELAINE : si tu n’avais pas rompu avec Miss Coupe-file, elle nous aurait eu des places en moins de deux.
Jerry fixe Elaine en souriant. Puis son sac. Puis Elaine.
ELAINE ( devinant ce qu’il a en tête ) : pas question, Jerry.
L’instant d’après, nous retrouvons Jerry qui joue des coudes pour se faufiler dans la queue avec Elaine qui est miraculeusement enceinte, grâce à son sac passé sous sa veste.
JERRY : pardon. Pardon. Excusez-moi. Femme enceinte. Pardon.
19 - INT. APPARTEMENT VOISIN / JOUR ( générique de fin )
Kramer aide le pianiste - qui a la tête bandée - à transporter un meuble pour faire de la place pour les instruments du futur groupe. Une sonnerie de téléphone fait sursauter Kramer qui laisse tomber le meuble, écrasant ainsi les doigts du voisin.
LE VOISIN ( criant de douleur ) : ahhhh !
Kramer détale, après un pauvre sourire navré et une grimace d’excuses.
FIN.
Loïc Belland
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