INSTINCT SAUVAGE

Léa jacta est

(A la conquête de Léa)

Script V2.1 de Loïc Belland.

 

SEQ. 1 - INT. CHEZ LEON - NUIT

L’entrée est plongée dans l’obscurité. Soudain, la poignée tourne et la porte s’entrebâille lentement avec un grincement sinistre ( SFX ). Puis, une violente poussée l’envoie claquer ( SFX) contre le mur.

Léon entre, suivi en file indienne de Thalar, Croc et Elfi. Rigolards et bruyants, les quatre amis chantonnent ( SFX ) en avançant un pied après l’autre, un bras après l’autre, de façon mécanique et dans un parfait ensemble ( genre Phil Collins, dans le clip " i can’t dance " ).

THALAR ( dechainé ) :

Pour Léon, le roi de la nuit, HIP, HIP, HIP ...

ELFI ( enthousiaste ) :

HOURRA !

LEON ( tout bas ) :

Shhhh...Pas si fort ! ( tendant l’oreille : ) Vous n’avez rien entendu ?

Léon fronce les sourcils en scrutant l’obscurité. Il s’arrête net. Thalar et Croc freinent aussitôt, mais pas Elfi. L’éléphant se cogne contre Croc. Résultat, les quatre animaux tombent les uns sur les autres comme des dominos.

La lumière s’allume brusquement. Le lion, à terre, découvre dans son champ de vision deux pieds qui tapent sur le plancher, signe de l’impatience de leur propriétaire. Le regard de Léon remonte rapidement des pieds vers la tête et s’arrête sur le visage de Léa - très fâchée. Léon se redresse.

LEON ( gene ) :

Comme tu es belle ce soir, ma gazelle. ( Léa le fusille du regard ) Allez, les gars, pour la charmante Léa, hip hip hip...

Derrière lui, la porte claque ( SFX ) : Thalar, Elfi et Croc ont décampé sans demander leur reste. Le lion n’en mène pas large. Il affiche un grand sourire hypocrite.

Léa ( furieuse ) :

Tu sais l’heure qu’il est !

De l’autre côté de la porte, Croc, croyant rendre service, lui souffle la réponse.

CROC ( voix etouffee, hors champ ) :

3H37 ?

LEON ( embarrassé ) :

Mais non, il n’est pas si tard... Je...

Menaçante, implacable, Léa le congédie d’un geste impérieux, en lui montrant la porte. Léon referme la bouche précipitamment. Il aperçoit son fils qui vient d’entrer dans la pièce et il en profite pour ignorer cet ordre.

LEON ( tendant les bras vers Junior ) :

Junior, mon fiston adoré !

JUNIOR ( se frottant les yeux ):

Qu’est-ce qui se passe ? Vous en faites un bruit !

LEA ( attendrie ):

Ce n’est rien. Papa et maman discutaient... ( sévère à nouveau, se tournant vers Léon : ) mais papa s’en va maintenant...

LEON ( a junior, cherchant un pretexte pour rester ) :

...Juste après t’avoir bordé. Hé, je pourrais même te raconter une histoire...

LEA ( categorique):

Pas question ! ( plus douce : ) Junior, retourne te coucher...

Junior est perplexe. Il regarde son père, puis sa mère, et sent bien que quelque chose ne va pas. Mais, très discipliné, il fait demi-tour sans faire de commentaires.

Son fils parti, Léon se rapproche de Léa, en prenant une démarche des plus sensuelles et avec un sourire en coin.

LEON ( roucoulant ):

Oh, toi, toi, toi !Tu crois que je n’ai pas compris ? En fait, tu préfères qu’on reste seuls tous les deux, pas vrai ma féline adorée?

Cut.

SEQ. 2 - EXT. CHEZ LEON - NUIT

La porte s’ouvre brutalement. Thalar, Elfi et Croc qui écoutaient d’une oreille indiscrète sont bousculés par Léon qui sort précipitamment de chez lui, alors que retentit le cri puissant de sa femelle.

LEA ( RUGISSant, hors champ ) :

DEHORS !

Le lion referme la porte derrière lui avec empressement et s’y adosse. Juste à temps : on entend un bruit de vaisselle qui se brise contre ladite porte ( SFX, hors champ ). Croc sursaute.

LEON ( gêné  ) :

Oh, vous êtes encore là... ( nouveau bruit de vaisselle cassé, Croc fait un nouveau bond ) Euh, Léa s’est mise à trier la vaisselle en trop. Et après.. elle va... laver les sols. Alors, je me suis dit qu’il valait mieux que je sorte, hein, pour ne pas laisser des traces de pattes partout...

Thalar et Elfi échangent un regard : ils ne sont pas dupes.

THALAR ( diplomate ) :

Je vois. En attendant, tu peux peut-être dormir chez moi. On a une chambre d’ami*.

Léon accepte d’un mouvement de tête.

SEQ. 3 - INT. CHEZ THALAR - NUIT

Léon se tourne et se retourne dans son " lit " en maugréant ( SFX ) : en réalité, la chambre d’ami de Thalar est une glacière avec une petite couverture rouge! Le froid est insoutenable. Léon se lève, en claquant des dents. CUT.

Thalar, confortablement installé dans son congélateur, ouvre soudain les yeux. A moitié endormi, il distingue vaguement une silhouette penchée au-dessus de lui. C’est Léon, enveloppé dans sa couverture rouge, qui a une barbe de givre avec des stalactites accrochées aux poils. Ainsi, il ressemble au Père Noël. Le lion montre du pouce la porte derrière lui et ouvre la bouche pour annoncer qu’il s’en va. Mais il n’a pas le temps de parler.

THALAR ( rêveur, a la silhouette ) :

Oh, Père Noël ! Laisse-moi dormir, reviens en décembre.

 

Thalar * se retourne et se rendort, laissant Léon décontenancé.

SEQ. 4 - INT. VIVARIUM - NUIT

Léon se love tranquillement sur le sol, pas loin de Croc. La température ici est idéale. Le félin est ravi. Ses yeux se ferment tout seuls. Mais il est immédiatement réveillé en sursaut par le crocodile qui crie dans son cauchemar.

CROC ( criant ) :

Non, pas mon papa, non !

Le lion, dépité et de plus en plus fatigué, se lève et s’éloigne d’un pas traînant.

SEQ. 5 - INT. CHEZ ELFI - NUIT

Fantus, Elfi et Fantou dorment du sommeil du juste. Dans un coin de la pièce, nous découvrons Léon qui s’endort en souriant de plaisir. Tout à coup, Fantou pousse un ronflement aigu ( SFX ). Le lion ouvre un œil inquiet. Puis, c’est au tour de Fantus de pousser un ronflement plus grave ( SFX ). Et Elfi s’y met aussi sur une note différente. Bientôt, Léon assiste à un véritable concert de ronflements qui reprend l’air de " mon beau sapin " ( SFX ). L’animal s’arrache les cheveux et se met un oreiller sur la tête.

( Série de fondus : ) il ajoute un second oreiller ; puis un troisième ; et enfin deux couvertures. Les ronflements s’arrêtent. Agréablement surpris, Léon émerge de ses protections improvisées. Détendu, il ferme les yeux. C’est alors que le réveil sonne ( SFX ).

SEQ. 6 - INT. CAGE LIONS - JOUR

Dans la cage, Léa se peint les ongles dans un transat. Elle a la surprise de voir arriver Léon, très fatigué.

LEA ( froide ) :

Qu’est-ce que tu fais là ?

Léon grimace devant cet accueil glacial. Mais il se ressaisit vite et joue l’indifférence.

Léon ( detache ) :

Comment ça " qu’est-ce que je fais là " ? Faut bien que je travaille, moi aussi.

Léa aperçoit justement les premiers visiteurs qui arrivent. Aussitôt, elle bondit de son siège et le replie. Il a alors l’aspect d’une grosse pierre. La lionne se laisse tomber à quatre pattes pour jouer son rôle d’animal de zoo. Léon fait de même. Il en profite pour se rapprocher d’elle.

SEQ. 7 - EXT. CAGE LIONS - JOUR

Devant la cage, un homme et sa fille regardent avec curiosité l’étrange manège du couple des lions. Le mâle poursuit la femelle qui ne se laisse pas approcher. A chaque fois qu’il vient près d’elle, elle va plus loin.

L’HOMME ( sûr de lui, à sa fille ) :

Tu a vu ? Le papa lion et la maman lionne se suivent partout. Comme c’est mignon... Ils s’aiment tellement qu’ils ne peuvent plus se quitter !

SEQ. 8 - INT. CAGE LIONS - JOUR

Toujours à quatre pattes, Léon anticipe un mouvement de Léa et se plante devant elle. Léa fait un bond de côté pour mettre une distance raisonnable entre son mâle et elle. Puis, elle lui tourne carrément le dos. Cette fois, Léon ne tente pas de la rejoindre.

LEON ( tout miel ) :

Mais enfin , ma gazelle, puisque je te dis que je ne t’en veux pas. J’ai pourtant passé une nuit horrible à cause de toi.

Léa ( incrédule ) :

Toi, tu ne m’en veux  pas? ça, c’est la meilleure !

Le lion se couche par terre.

Léon ( baillant ) :

Bon, je vais attendre là que tu te calmes. Mais ne crois pas que qu’on se débarrasse du roi de la jungle aussi facilement ! Ma détermination n’a d’égale que...

Léon s’endort au milieu de sa phrase. Voyant cela, Léa hausse les épaules et s’en va.

Série de fondus : la journée passe, le soleil monte et descend dans le ciel. Le lion ne bouge pas d’un poil, à la grande déception des visiteurs successifs :

- des japonais qui courent en grappe à gauche et à droite en remuant leurs bras pour attirer l’attention de l’animal, et qui, devant son absence de réactions, piétinent leur appareil photo de dépit.

- un couple qui se fait la tête, comme si l’homme et la femme venaient de se disputer. Elle s’en va.*

- et deux enfants qui soufflent sur Léon des boulettes de papiers avec leur stylo. Ils finissent par retourner leur arme l’une contre l’autre et partent en courant, tout en se tirant dessus.

La journée est terminée. Léon s’éveille et s’étire. Il a faim.

SEQ. 9 - INT. CHEZ LEON - JOUR

Léon ouvre la porte et entre chez lui, comme si de rien n’était, en sifflotant d’un air décontracté ( SFX ). Léa n’est pas visible, Junior est assis à table.

LEON ( fort, à la cantonade ) :

Mmmmm, ça sent bon ici ! Qu’est-ce qu’on mange ?

Il met les pieds sous la table à côté de son fils.

LEON ( avec un clin d’œil ) :

Salut fiston ! Ta mère a retrouvé sa bonne humeur ?

Léa ( fâchée, hors champ ) :

Non, sa mère n’a pas retrouvé sa bonne humeur.

Surpris, Léon déglutit avec peine et tourne brusquement la tête. Il découvre Léa qui le fixe d’un œil mauvais.

LEA ( doucement ):

Je croyais que tu avais compris. Je parle l’humain ou quoi ? Lis bien sur mes lèvres cette fois... ( gros plan, elle crie en détachant les syllabes : ) DE-HORS !

Plan large. La chaise de Léon, déjà vide, tombe à terre ( SFX ). On entend la porte claquer ( SFX ).

Léa quitte la pièce. Junior reste seul et dépité devant son assiette.

SEQ. 10 - INT. BOITE DE NUIT - SOIR

Dans la boîte de nuit, nous suivons Gigi qui porte un plateau. Elle dépose son contenu - un verre et une paille - à la table de Léon. Croc et Elfi sont installés en face du lion. Thalar est à côté de lui. La serveuse s’éclipse discrètement. Le lion attrape sa boisson et se met à la siroter pensivement.

LEON ( grandiloquent et pathétique ) :

Vous imaginez ça? Moi, chassé de ma propre maison... Me retrouvant seul comme... Orny !

THALAR ( rassurant ) :

Ça va sûrement s’arranger. Léa est folle de toi, tu le sais.

LEON  ( faussement modeste ) :

Oui, c’est vrai ! ( prétentieux, reprenant du poil de la bête : ) Encore 24 heures et je vous parie qu’elle me supplie de revenir. ( Léon sort un petit miroir de dessous la table et se recoiffe avec une nonchalance étudiée : ) Il est impensable qu’elle résiste à mon charme torride plus d’une journée.

Derrière Léo, Elfi aperçoit alors la lionne qui entre dans la boîte au bras... d’Orny ! Elle en reste bouche-bée. Léon se méprend sur sa réaction.

LEON ( faussement gene ) :

Enfin, Elfi, ne me regarde pas comme ça. Je suis beau, d’accord, mais mon cœur est pris... Léon appartient à Léa et Léa appartient à...

CROC ( catastrophé, suivant Léa des yeux ) :

... Orny ?

Léon recrache la gorgée qu’il venait d’avaler et se retourne. Il n’en croit pas ses yeux. Léa le snobe royalement et va s’installer avec son soupirant à une table à l’autre bout de la boîte. Les muscles du lion se tendent. Il s’agrippe nerveusement à la table. Thalar lui pose amicalement la patte sur le bras.

THALAR ( persuasif ) :

Du calme ! Réfléchis un peu ! Comment Léa pourrait-elle s’intéresser à Orny ?

Elfi ( renchérissant ) :

Elle veut juste te rendre jaloux, c’est tout ! Tu ne vas quand même pas tomber dans le panneau.

Léon sourit soudain, puis se détend en s’adossant de nouveau.

LEON ( remonte ) :

Vous avez raison ! Comme si, moi, j’avais quelque chose à craindre d’un vulgaire ornithorynque. ( rire forcé : ) Ah, ah, ah, c’est ridicule.

Soudain, Léon se lève d’un bond, toutes griffes dehors et s’apprête à foncer sur Orny.

LEON ( furieux ) :

Le misérable avorton ! Comment ose-t-il mettre ses sales pattes sur ma Léa ? Je vais lui aplatir la tête !

Thalar l’empoigne par les épaules pour le forcer à se rasseoir.

Calmé, Léon jette un regard noir au couple illégitime qui ne lui prête aucune attention. Il soupire, mélancoliquement. Gigi, la serveuse, voyant son désarroi, s’approche de lui.

GIGI ( sur le ton de la confidence ) :

Ça n’a pas l’air d’aller fort, Léa et toi ! Tu sais ce que tu devrais faire ? Lui écrire un poème. ( midinette : ) Moi, dès qu’on me parle en vers, je craque...

L’idée semble plaire à Léon.

SEQ. 11 - EXT. DEVANT CHEZ LEON - JOUR

Une marguerite à la bouche, Léon finit fièrement de lire son poème à Léa qui est à la fenêtre.

LEON ( declamant, lyrique ) :

.... à chaque fois que je te vois,

mon cœur est en émoi,

tu es mon rayon de soleil,

ma gazelle à nulle autre pareille

( insert : visage ravi de Léa qui se fige sur les vers suivant )

et pourtant les années ont passé,

envolée ta jeunesse, ton museau est ridé...

Il reçoit un pot de fleur sur la tête ( choc, SFX )... à la grande satisfaction d’Orny qui l’épie à quelques mètres de là. Cut.

Le lion, un petit bouquet à la main, sonne ( SFX ) à sa porte. Un énorme bosquet lui rentre alors dedans par derrière. Ce buisson très fleuri le bouscule sans ménagement. La tête d’Orny apparaît au milieu. Il sourit à Léa qui lui renvoie son sourire. Cut.

Déguisé en troubadour avec une sorte de mandoline, Léon lui joue - faux - ( SFX ) la sérénade sous la fenêtre. Tout à coup, il entend hors champ un décompte ( 1,2, 3... ). Etonné, le lion fronce les sourcils. Une musique entraînante et endiablée se fait alors entendre ( SFX), si puissante que le souffle projette Léon à terre. Derrière lui est apparu tout un orchestre cubain d’une dizaine de personnes. Des confettis tombent du ciel, des lumières multicolores éclairent la scène. Léa fait signe à toute la bande d’entrer. Orny et les musiciens s’engouffrent un par un chez elle. La porte se referme, masquant la musique. Dépité et triste, Léon tourne les talons.

SEQ. 12 - EXT. ENTREE ZOO - JOUR

Les visiteurs s’en vont. Le gardien ferme les portes du zoo. La nuit tombe aussitôt.

SEQ. 13 - EXT. ALLEES - NUIT

Léon marche tristement dans une allée déserte. Soudain, un bruit devant lui. Léon se rue derrière une poubelle, puis sort la tête pour observer devant lui : un visiteur, seul dans l’allée. Le retardataire, dubitatif, se gratte la tête. Il regarde à droite et à gauche comme s’il était perdu.

L’homme choisit une allée et avance. Derrière lui, nous découvrons Léon qui sort de derrière la poubelle et le suit à pas de loup, gueule grande ouverte, griffes aiguisées et sorties. Muscles tendus, l’animal s’apprête à lui sauter dessus, mais - surprise - il change d’avis et interrompt son mouvement au dernier moment. Il secoue la tête. Ses épaules s’affaissent. La tête basse, la queue entre les jambes, Léon jette par-dessus son épaule un couteau et une fourchette dans un buisson et fait demi-tour.

LEON ( accablé ) :

A quoi bon ! De toute façon, je n’ai même pas faim.

Il s’éloigne dans l’allée, sans voir Thalar, Elfi et Croc sortir d’un passage.

L’ours n’en revient pas. Elfi fait la moue.

THALAR ( eberlue ) :

Incroyable ! Lui qui rêve depuis toujours de goûter à un humain, il l’a laissé filer ! Ça va plus mal qu’on ne le pensait !

ELFI ( inquiètE ) :

Cette stupide dispute avec Léa a assez duré. ( pensive : ) Thalia et Lupia vont devoir nous aider.

SEQ. 14 - INT. CHEZ LEON - SOIR

Autour d’une tasse de thé, Thalia et Lupia tentent de convaincre la lionne de reprendre Léon.

THALIA :

Laisse-lui au moins une dernière chance !

Léa ( butée ) :

Non, il ne fait aucun effort, lui. ( amère : ) Quand je pense qu’au début il me disait qu’il était prêt à décrocher la lune pour moi. Tu parles !

LUPIA ( insistant ) :

Il tient beaucoup à toi, je t’assure.

Caché derrière une porte, Léon Junior prête une oreille attentive à la conversation. Il est un peu surpris par les propos virulents de sa mère.

LEA ( hors champ ) :

C’est le roi des bêtas, un point c’est tout !

Thalia fronce les sourcils.

Thalia ( intriguée ) :

C’est quand même étrange : d’habitude, tu lui pardonnes tout. Ne nous dis pas que tu l’as quitté simplement parce qu’il est rentré tard et que ton rôti a brûlé !

Toujours derrière la porte, Junior ouvre grand ses oreilles.

LEA ( soupirant, hors champ ) :

Tu as raison. Il y a plus grave. En fait, Léon a...

Cut avant qu’elle ne finisse sa phrase.

SEQ. 15 - EXT. CHEZ LEON - NUIT

La porte s’ouvre. Lupia et Thalia sortent de chez Léa. Plein d’espoir, Léon les attend dehors avec Thalar et Lupus. Les deux femmes fusillent le lion du regard. Visiblement, elles sont très remontées contre lui et refusent de lui adresser la parole.

THALAR ( cherchant à comprendre ) :

Il y a quelque chose qui ne va pas ? Vous êtes aussi fâchées contre Léon ?

THALIA ( hautaine ) :

Ça ne te regarde pas ! Et ne me parle plus de cet imbécile.

LUPIA ( severe ) :

Lupus, viens, on s’en va !

Les femelles attrapent leur mari par le bras et s’éloignent avec eux, sans plus d’explication. Les mâles n’osent pas aller contre leur volonté. Après quelques mètres, Thalar, ennuyé d’abandonner Léon, se retourne néanmoins.

THALAR ( encourageant ) :

Ne t’inquiète pas, Léon. On va trouver un autre plan pour sauver ton couple.

Thalia qui ne veut pas que son mari soit trop gentil avec Léon lui donne un coup de poing dans l’épaule pour le rappeler à l’ordre.

THALIA :

Tais-toi et marche !

Léon reste seul, désemparé et très surpris d’être ainsi mis au pilori.

SEQ. 16 - EXT. CHEZ LEON - JOUR

Thalar arrive devant la porte avec Croc.

CROC ( dubitatif ) :

Tu crois vraiment que Léa va te prendre pour Thalia ?

THALAR ( a croc ) :

Elle ne devinera jamais ! Et comme ça, je saurais enfin ce qu’elles reprochent toutes à ce pauvre Léon !

Croc s’embusque derrière un arbre.

L’ours réajuste son châle sur la tête. Il repasse une couche de rouge à lèvres et sonne à la porte. Léa ouvre. Il l’assomme de paroles immédiatement sans lui laisser le temps d’en placer une.

THALAR ( voix de fausset ) :

Alors, il paraît que ton Léon t’as sauvée! Quel courage ! Quelle force ! ( ( tendant un panier : ) Tiens, je t’ai apporté des gâteaux pour le thé.

Sans attendre d’y être invité, l’ours s’engouffre à l’intérieur. Cut.

SEQ.17 - INT. CHEZ LEON - JOUR

Thalar se tient bien droit à table. Il porte la tasse à sa bouche d’un geste maniéré et prend délicatement une gorgée.

THALAR ( voix de fausset ) :

Ah, ces mâles ! Ce ne sont pas toujours des cadeaux, hein ? Heureusement, mon Thalar est parfait ! Il est fort... euh... beau... intelligent aussi... euh... et attentionné. Tu sais que c’est lui qui fait tout à la maison ? Le ménage, le...

La lionne lui jette un regard étonné, presque soupçonneux.

LEA ( l’interrompant ) :

Le ménage ? Je croyais que Thalar était encore plus paresseux que toi ?

Thalar s’étrangle avec son thé.

La fausse Thalia s’essuie la bouche sous l’œil scrutateur de Léa.

THALAR ( voix de fausset, pouffant : )

J’ai dit ça ? Oh, que je suis médisante parfois ! ( changeant de sujet : ) Mais parlons plutôt de ton Léon ! Il a été vraiment très courageux tout à l’heure.

LEA ( butée ) :

Ça n’efface pas sa faute.

THALAR ( oubliant de changer sa voix ) :

Non, non, bien sûr ! (se reprenant immédiatement après un raclement de gorge, jouant l’idiote, voix de fausset  : )...Mais de quelle faute tu parles au juste ?

LEA ( catégorique ) :

Tu le sais bien. C’était la goutte d’eau. Le pompon. La cerise sur le gâteau.

THALAR ( ne comprenant rien ) :

Hum, oui, suis-je bête... le pompon de la cerise... Oui, oui, oui. Mais, euh... justement avec Lupia, on se disait... Bon, c’est pas si grave après tout. Un pompon, une cerise, c’est pas la mer à boire...

Il avale d’un trait et déglutit bruyamment sa gorgée de thé, avec une large grimace. Léa fronce les sourcils. Elle le dévisage d’un air suspicieux.

THALAR ( très mâle ) :

Ah, ça fait du bien par où ça passe !

Léa a compris. Elle se lève tout à coup, menaçante. L’ours se décompose à vue d’œil.

SEQ. 18 - EXT. CHEZ LEON - JOUR

Thalar sort en courant et passe devant Croc, sans s’arrêter. Une assiette traverse les airs.

THALAR ( en passant) :

Elle a deviné ! On passe au plan B !

SEQ. 19 - INT. ENTREE BANQUISE - JOUR

Croc, Thalar et Elfi sont réunis à l’entrée de la banquise. L’éléphant porte un sac à dos volumineux.

CROC :

Alors, c’est quoi votre plan infaillible ?

THALAR ( résumant ) :

Léa se retrouve en danger. On envoie Léon la sauver, il devient un héros... et, Bingo ! Elle retombe dans ses bras.

ELFI :

Chut ! La voilà !

La lionne arrive en effet à grand pas. Elle interpelle Thalar.

LEA ( pressée ) :

Tu sais où est Thalia ? Elle m’a envoyé un mot me demandant de venir. Elle a besoin de mon aide ?

THALAR ( innocent et très serviable ) :

Elle fait son jogging sur la banquise. Tu n’as qu’à suivre les flèches du chemin de randonnée et tu finiras bien par la trouver.

Thalar montre du doigt des panneaux enfoncés à intervalles réguliers dans la neige. Léa qui ne se doute de rien s’enfonce dans la banquise.

THALAR ( tout fier, à Croc ) :

Hi, hi ! En fait, c’est moi qui ai écrit le mot ! Pas Thalia ! ( sérieux : ) Mais je n’ai pas le temps de t’expliquer pourquoi. Toi, tu files chercher Léon et tu lui dis que Léa est en danger, compris ?

CROC ( serieux, saluant militairement ):

Compris.

Croc file à toute jambe, tandis qu'Elfi et Thalar disparaissent au cœur de la banquise. Fondu enchaîné.

SEQ. 20 - INT. BANQUISE - JOUR

Au milieu de la banquise. Un lieu désert et glacé. Les deux animaux sont cachés derrière une congère bizarre : un fil relié à un détonateur sort de la glace.

A quelques mètres de là, la lionne grimpe sur un monticule de neige et reste perplexe : il n’y a plus de flèches indiquant la direction à suivre.

Elfi jette un œil discret par-dessus la congère pour vérifier que Léa est en place.

ELFI :

C’est bon, elle est pile où il faut !

Elfi appuie sur le détonateur. Rien ne se passe.

THALAR ( inquiet ) :

Tu es sûre que ça va marcher ?

ELFI ( tranquille ) :

Mais oui, j’ai tout vérifié moi-même cette nuit.

( grondement sourd, vibration, SFX ). Tu sens les vibrations ? Elles vont déclencher de petites avalanches et Léa va se retrouver coincée. J’ai tout prévu !

A quelques mètres de là, Léa, stupéfaite, sent aussi les vibrations. Surprise, elle voit le sol se fissurer et se creuser. La neige s’effondre tout autour d’elle, laissant la place à un fossé rempli d’eau de plus en plus étendu. La lionne est maintenant isolée, perchée en haut d’un petit iceberg, flottant à la dérive. Elle regarde autour d’elle avec affolement.

Le grondement s’amplifie ( SFX ).Thalar et Elfi tendent l’oreille et se hissent légèrement pour regarder par-dessus la congère... ils sont alors balayés et ensevelis par une montagne de neige.

THALAR ( sceptique, hors champ, voix etouffee ) :

C’était prévu, ça ?

SEQ. 21 - INT. CAGE LIONS - JOUR

Dans la cage aux lions, Léon effeuille une marguerite avec nostalgie.

LEON ( triste ) :

...à la folie, pas du tout...

Essoufflé, Croc surgit devant lui.

CROC ( très speed ) :

Léon ! Viens vite, on a besoin de toi : Léa court un grave danger !

SEQ. 22 - EXT. CAGE LIONS - JOUR

Nous apercevons Orny devant la cage, caché derrière un arbre avec un bouquet à la main. Visiblement, il venait rendre visite à Léa.

SEQ. 23 - INT. BANQUISE - JOUR

Thalar et Elfi surveillent à distance l’évolution de la situation avec le télescope. Croc et Léon s’approchent au pas de course. Léon s’empare du télescope pour regarder.

Insert : gros plan de Léa affolée.

LEON :

Mon dieu, Léa ! Et elle qui ne sait pas nager ! Pourquoi n’avez-vous rien fait ?

Elfi :

C’est quand même mieux si c’est toi qui vas à son secours, non ?

ORNY ( hors champ ) :

Hep, hep, hep ! Pas si vite ! C’est à moi de la sauver ! C’est un travail pour Super Orny !

La bande tourne la tête et aperçoit Orny qui roule des mécaniques. Les mains sur les hanches, il se plante devant le lion pour le défier.

LEON ( énervé ) :

Je vais t’apprendre à voler, moi, Superman de bazar !

Léon se débarrasse d’Orny d’une simple pichenette. L’ornithorynque part en arrière, en glissant, ses bras battant l’air dans une tentative désespérée de garder son équilibre. ( anciennes répliques 71 et 72 supprimées )

L’éléphant sort un piolet de son sac. Une corde est attachée au bout. Puis elle reprend le télescope.

ELFI ( regardant où en est léa ) :

Je crois que l’iceberg est en train de fondre.

On voit l’iceberg se couper soudainement en deux. Léa, paniquée, se réfugie prestement sur la partie supérieure qui se dresse à la verticale, tandis que l’autre moitié fond peu à peu. Puis, c’est au tour de la partie supérieure de se dissoudre dans l’eau, donnant l’impression d’un bateau qui s’enfonce peu à peu.

Le sang de Léon ne fait qu’un tour, il prend la corde et le piolet des mains de l’éléphant et court vers sa bien-aimée. Cut.

Arrivé au bord de l’eau glacée, il plonge, sans même réfléchir.

ELFI ( à Croc ) :

Je vais chercher Junior... Comme ça, toute la famille sera réunie. Et Léa craquera forcément.

SEQ. 24 - INT. SALLE D’ECOLE - JOUR

Les enfants ne sont pas très attentifs. Chaet dort avec une paire de lunettes sur lesquelles sont dessinés de faux yeux. Même Junior est un peu distrait, les yeux dans le vague. Au tableau, Miss Conoch termine son exposé. Struthia, le visage pincé, est en train de nettoyer les carreaux d’une fenêtre.

MISS CONOCH ( sure d’elle ) :

... ainsi donc, les dinosaures n’ont pas vraiment disparu de la surface de la terre, ils se sont tout simplement transformés... en autruches...

STRUTHIA ( secouant la tête ) :

C’est ça ! Et les gnous, ils descendent des mammouths peut-être ?

La porte de la classe s’ouvre brusquement et Elfi passe la tête par l’entrebâillement.

ELFI :

Junior, tu devrais venir avec moi, ta mère et ton père ont besoin de toi !

Junior, inquiet, se lève et sort de la classe avant que Miss Conoch n’ait eu le temps de râler.

SEQ. 25 - INT. BANQUISE - JOUR

Léa sursaute quand Léon jaillit de l’eau devant elle. Il plante brutalement le piolet sur le perchoir de glace qui est encore juste assez large pour soutenir Léa.

LEA ( inquiète ) :

Léon, tu es fou ! Sors vite de l’eau, tu vas mourir de froid !

LION ( héroïque, stoïque, dramatique ) :

Ne t’inquiète pas, ma gazelle ! Je vais te remorquer jusqu’au rivage !

Le lion noue la corde autour de sa poitrine et repart en nageant, tirant derrière lui la minuscule plaque de glace. Succession de trois fondus : Léon buvant la tasse, Léa se recroquevillant sur un perchoir devenu encore plus petit, Léon découvrant avec effroi un cube de glace enrobant sa main gauche.

Puis, Léon se retourne pour voir si tout va bien. Avec horreur, il se rend compte que le perchoir de Léa a fini de fondre. La lionne a disparu.

LION ( AFFOLE ) :

Léa !

Léon se pince le nez et plonge. Il se prend un banc de poisson en pleine face. Quand ils ont tous fini de passer, il aperçoit alors Léa qui coule à pic. Il parvient à la récupérer et la ramène en surface. Elle tousse et crache.

Le duo accoste enfin. Léon sort de l’eau : tout son corps est enrobé de glace. Il se laisse tomber comme une masse sur le sol, brisant son enveloppe de glace en mille morceaux. Il se relève en tremblant de tous ses membres et claquant violemment des dents. Léa tombe dans ses bras.

LEON ( épuisé ) :

J’y suis... arrivé... Tu es sauvée ! Et je suis vivant... Je suis... le roi... du monde.

LEA ( heureuse ) :

Du monde, peut-être pas, mais en tout cas, tu es le roi de mon monde, ça c’est sûr !

LEON ( inconscient ) :

Ah, tu vois bien que tu ne peux pas te passer de moi. Avoue que tu as été bien ridicule de faire autant d’histoires pour un simple retard !

Estomaquée, Léa se détache de lui. Elle s’en va sans un mot. Junior et Elfi s’approchent alors de Léon. Ensemble, ils regardent Léa disparaître.

LEON ( desemparé ) :

Je ne comprends pas, je viens pourtant de lui sauver la vie !

JUNIOR :

Ce n’est pas étonnant, papa ! Tu as oublié l’anniversaire de vos 10 ans de mariage !

LEON ( atterré ) :

Oh, non ! Quel idiot ! Tout s’explique. Ecoute, tu sais ce que ta mère dit de moi...

JUNIOR ( levant le doigt, croyant savoir ) :

... que tu es le roi des bêtas?

LEON ( un peu vexé  ) :

Mais, non ! Que je suis " le roi de son monde ". Et rien n’est impossible pour ce roi-là. Alors, ne t’en fais pas, je vais tout arranger !

Cut.

SEQ. 26 - EXT. ALLEE ZOO - NUIT

Le soir. La lune est pleine. Léon Jr et Léa se rendent à leur demeure. Excité, le fiston court partout. Soudain, il disparaît en riant ( SFX ). Léa le suit et s’arrête, stupéfaite. Devant elle, dans l’allée, il y a une table avec des chandelles. Un énorme gâteau trône à côté. L’ambiance est feutrée et romantique.

Thalar, habillé en maître d’hôtel, *prend alors Léa par la main et la guide jusqu'à la table où elle s’assoit. Elfi ( en serveuse ) arrive sur les pointes et dépose gracieusement une bouteille dans un seau à glace. Etonnée, la lionne aperçoit Croc au piano qui se met à accompagner une chanson romantique de Lupus ( SFX ).

Léon, penaud, s’approche alors de sa femelle. Léa croise les bras sur sa poitrine et détourne la tête.

LEON ( sincere ) :

Je sais que tu es fâchée et tu as toutes les raisons de l’être. J’ai vraiment été stupide. ( pointant un doigt le ciel : ) Mais c’est fini, je vais changer.

Léon regarde soudain en l’air. Léa suit le regard de son époux et a la surprise de voir la pleine lune descendre petit à petit vers elle. C’est Léon qui tire sur une corde invisible. Il lui tend humblement la lune, en fait un ballon luminescent gonflé à l’hélium. Léa prend la ficelle en main.

LEON ( sincere ) :

Tu vois, dix ans après, je suis toujours prêt à décrocher la lune pour toi ! Bon anniversaire, Léa !

Léa rougit, touchée par tant d’attentions. Emue, elle ne dit rien.

Et c’est l’apothéose : un feu d’artifice dessine un coeur dans le ciel et Léon Jr , ravi, jaillit du gâteau. Thalar goûte avec son doigt le morceau de gâteau qui lui a atterri sur la figure.

Sous les yeux humides de leurs amis ( sauf Orny qui fait la tête dans un coin ), Léa, enfin reconquise, se lève et serre amoureusement contre Léon... Fondu...

*(29 scène supprimée)